Initialement publié chez Boom! Studios, Glénat propose un bel omnibus de plus de 400 pages - à tirage unique - qui regroupe l’intégrale des deux séries qui composent Hexed. L’occasion de suivre les pérégrinations de Lucifer, voleuse de l’occulte, dans un trip entre Buffy, Constantine et Arsène Lupin.


Deux séries donc pour deux parties qui ne se valent clairement pas. La première pose les bases de l’univers et des personnages mais laisse la sensation d’être réalisée à tâtons, comme si l’auteur Michael Alan Nelson ne savait pas encore où il allait. Le lecteur est certes mis en appétit par de chouettes idées mais il manque quelque chose pour vraiment accrocher. Et la prestation graphique d’Emma Rios, assez désastreuse, n’aide pas à s’impliquer. On est encore loin de son travail sur Pretty Deadly, publié cinq ans plus tard. Mise en page insipide, décors brouillons, personnages statiques, visages ratés, perspective hasardeuse… Le tout, certainement réalisé avec honnêteté, sent très fort le boulot de jeunesse proche de l’amateurisme.


Il faut néanmoins s’accrocher car la suite apparaît alors comme un enchantement (ou plutôt en l’espèce, une malédiction) relatif et absolu. L’arrivée aux dessins de Dan Mora fait entrer le récit dans une autre dimension. L’artiste costaricain livre une prestation de très haute volée dans un style ultra expressif, proche de l’animation. On pense à Blacksad, Zombillenium ou Special Branch, l’aspect comics en plus. Ses personnages sont magnifiques, son bestiaire inventif, ses scènes d’action parfaitement lisibles, son découpage efficace… Un trait racé et diablement dynamique dont se dégage une forte personnalité, récompensé par un Eisner pour son boulot sur le Klaus de Grant Morrison.


Michael Alan Nelson semble se servir de ce nouvel attelage pour tirer son récit vers le haut. Le rythme se fait plus soutenu et d’une étonnante densité pour ce type de format relativement court. L’auteur jongle avec les codes du genre (artefacts dont-il-ne-faut-pas-prononcer-le-nom, nécromancie, sorcellerie, mondes parallèles...) pour délivrer une histoire haletante, parfois épique, dans laquelle les alliances se font et se défont. Il parvient d’autant plus à y insuffler beaucoup de vie au travers de son casting, presque à 100% féminin. L’auteur prend le parti de jongler avec peu de personnages et leur apporte une vraie densité. Lucifer est une héroïne solide franchement attachante et le duo qu’elle forme avec Raina, la stagiaire, est digne des meilleurs buddy movies. Outre son design hallucinant, La Catin est un exemple de personnage qui se révèle au fil du récit, bien aidée par une origin story touchante et éclairante.


La grosse introduction que constituent les quatre premiers numéros passée, Hexed se révèle être une excellente surprise, portée par un très grand Dan Mora. Ses influences bien digérées, Michael Alan Nelson propose un boulot dense, original et accrocheur. Glénat propose depuis quelques temps des séries qui sortent des sentiers battus à des tarifs franchement intéressants. On en redemande !

Marlon_Ramone
8
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le 31 oct. 2019

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Marlon_Ramone

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