Avec Inspecteur Kurokochi, Takashi Nagasaki passe sur le devant de la scène pour la première fois en utilisant son vrai nom. Ancien membre de l’éditeur Shogakukan, le scénariste a travaillé pour les magazines Big Comic et Weekly Shonen Sunday, où il a fait une rencontre cruciale au milieu des années 80, celle de Naoki Urasawa. Il aura de fait œuvré sur presque tous les scénarios de ces séries bien connues de tout amateur de manga : Monster, 20th Century Boys, Billy Bat… Autant de références solides qui montrent l’art du raffinement narratif de ce professionnel éclairé. C’est dire aussi que rien n’a été laissé au hasard dans Inspecteur Kurokochi, feuilleton aux rebondissements nombreux et au character design plutôt subtil.
Polar foisonnant faisant référence à des événement historiques réels (le casse dit « des 300 millions de yens », en 1968), la série propose surtout une vision du pouvoir japonais au vitriol, où la corruption s’apparente à une sorte de sport pratiqué par tous, et par l’inspecteur lui-même ; ce qui ne le rend pas forcément plus sympathique que les protagonistes des enquêtes qu’il mène. C’est d’ailleurs ce ressort narratif qui rend la trame passionnante. On ne peut pas dire que l’empathie soit l’intention de l’auteur pour son personnage, tant celui-ci trempe dans toutes les magouilles. Un sens du second degré que l’on retrouve dans la représentation graphique : avec son visage ingrat, ses lèvres surdimensionnées et sa barbe naissante, l’inspecteur est loin des canons habituels du flic héros. Maîtrisé par Koji Kono, le dessin est irréprochable, figuratif et peu stylisé. On est dans le réalisme.