Kaya Takada a vécu son enfance et son adolescence de manière bien peu conventionnelle, dans un village communautaire du Japon.


Inspirés par les théories libertaires et utopistes des années 1970, de nombreux villages émergent alors dans le pays (mais aussi dans d’autres régions du monde) rassemblés autour d’un même fonctionnement et des mêmes valeurs : un refus de la possession et de l’argent, une vision égalitariste et utilitariste de la personne où chacun vit ensemble et travaille pour la collectivité (et ce dès le plus jeune âge).


Kaya Takada est née dans cette structure, c’est une « villageoise » de souche, et pendant longtemps elle n’a connu que ce système, en dehors de quelques incursions et contacts avec les « extérieurs ». Un passé qu’elle a quitté au début de sa vie d’adulte, à l’époque où ces communautés sont alors ébranlées par la révélation des attentats de la secte d’Aum. C’est en s’installant dans le monde extérieur, avec ses parents, qu’elle découvre alors la curiosité autour de son enfance et des villages communautaires. Un passé qu’elle va illustrer et mettre en ligne avant qu’il ne soit finalement édité et traduit jusque chez nous.


Pour raconter cette vie, Kaya Takada va dérouler un fil chronologique, tout en s’arrêtant sur quelques points. Elle la présente à son mari, Fusao, et leurs échanges vont régulièrement ponctuer l’ouvrage. En effet, pour elle, ce qu’elle a connu a été une vie normale, telle qu’on lui avait inculqué. Elle en éprouve même une certaine nostalgie, grâce à tout ce qui a pu exister de meilleur à cette époque : les amitiés, les petites joies du quotidien, etc. Fusao permet de commenter, d’apporter un regard plus critique : il offre son point de vue extérieur sur la situation.


Car la vie au village communautaire est aussi une vie difficile, avec un discours et une organisation qui n’hésitent pas à couper ce qui peut dépasser. C’est d’autant plus vrai dès le plus jeune âge, où il faut travailler dur à l’école ou aux champs, rendre sans cesse des comptes à ses encadrants, avec même des brimades physiques dans certains cas. Mais pour Kaya Takada, le plus dur fut son éloignement avec ses parents, tel qu’était la règle : chacun de son côté, tous oeuvrant pour un dessein qui les dépasse. Pas si évident à comprendre pour une petite fille.


C’est présenté sans aucun misérabilisme, ni sans volonté de glorifier cette façon de vivre, mais avec un ton humain et chaleureux, bien qu’ambigu. Pour l’autrice, il est impossible de complètement reprocher au Village son fonctionnement. Elle en dresse aussi tous les petits bonheurs, de ce contact avec la nature, des petites bêtises enfantines (mais gare aux punitions), des relations avec les autres. Elle ne se présente donc pas comme une rebelle, quelqu’un qui a voulu briser le système : elle a eu l’opportunité d’en partir, elle voulait découvrir autre chose.


On découvre donc sa vie avec une évidente curiosité, mais le ton assez doux et finalement humain de ce témoigné dessiné est une belle réussite. Kaya Takada utilise d’ailleurs un trait d’une simplicité désarmante, minimaliste, sans fioritures, qu’elle excuse d’être aussi inexpérimenté mais qui offre pourtant une bulle d’air à cette lecture, aérée claire et limpide. « Je suis née dans un village communautaire » offre donc la plongée attendue, riche en découvertes sur un système bien établi à l’époque de l’autrice, mais avec une évidente simplicité, au plus près du quotidien, qu’il ait été pénible ou joyeux.

SimplySmackkk
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le 23 sept. 2025

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