Kingdom Come par aaapoumbapoum
Alex Ross s’est toujours singularisé de la majorité des dessinateurs de comics par son esthétique unique, inspirée par le peintre naturaliste Norman Rockwell. Pétris de l’imaginaire protestant de l’extase et du labeur, Superman, Wonder Woman et Batman muent sous son pinceau en allégories mélancoliques, égarées au cœur de grandes terres agricoles ou de mégalopoles en perdition. Dès les premières pages, portées par un souffle épique et de grandes ambitions morales, Kingdom Come déconstruit minutieusement la mythologie des éditions DC Comics. L’intention est assumée. Publiée à la toute fin des années 90, alors que le siècle nouveau point et que prolifèrent les récits violents, cette mini série en quatre épisodes tente de dénoncer cette escalade en préfigurant un avenir potentiel et morose.
Dans ce futur, un Superman grisonnant, aux confins des campagnes étatsuniennes, s’est retirée de la société, découragé. Un Batman déclinant perpétue son œuvre de justice avec toujours plus de fermeté. Wonder Woman désespère. La civilisation a changée, en proie au chaos et à une nouvelle génération de surhommes qui fait régner justice comme terreur. L’Amérique prie pour le retour de l’ancien sauveur déchu.
Plus que jamais, habitée par l’absence de Dieu et la dévotion pour le substitut au divin qu’incarne le superhéros, cette aventure réinvestit les icônes populaires de la Ligue de justice de leurs valeurs fondatrices. Les corps magnifiques, habités par la noblesse, expriment une puissance tranquille et une dignité apaisante. Aujourd’hui, ce récit singulier a pleinement gagné son statut de classique et bénéficie enfin d’une réédition exceptionnelle. Cette dernière enterre toute les précédentes, par sa qualité d’impression et ses suppléments d’une richesse inouïe.
S; Bapoum pour les Inrockuptibles.