La poursuite infernale : L'espion qui ne nous aimait pas !



  • Le chef des Tuniques bleues est plus rusé que le coyote, plus courageux que le puma ! Et Aigle-Solitaire est coupable de l'avoir méprisé. Mes braves on payé son erreur de leur vie. C'en est assez ! J'ai dit !

  • Natchez à bien parlé ! Les visages pâles nous décimeront tous !

  • À quoi bon leurs chariots, si plus un seul d'entre nous n'est capable de se servir des armes qu'ils contiennent !

  • Mes frères ont des cœurs de squaw ! Ils veulent lâcher la poursuite ? Très bien ! Mais Aigle-Solitaire, lui, n'a pas peur du chef des Tuniques bleues. Et il a un compte terrible à régler avec lui ! Par l'Oiseau-Tonnerre, Aigle-Solitaire jure qu'il ne reparaîtra devant ses frères qu'avec le scalp de l'homme blanc ! Il le poursuivra seul et jusqu'à son dernier souffle s'il le faut... Nos frères seront vengés ! J'ai dit !



Après Fort Navajo et Tonnerre à l'Ouest, Blueberry poursuit son terrible périple avec '' L'Aigle Solitaire '', troisième chapitre d'une guerre impitoyable entre les Yankees et les Apaches qui se poursuivra encore sur deux autres volumes avec Le Cavalier perdu, pour se conclure avec La piste des Navajos. Cinq albums qui constituent une seule et même histoire au sein d'une impressionnante saga que l'on doit à l'assortiment inespéré de Jean-Michel Charlier et de Jean Giraud, dit Moebius. Le récit reprend là où il s'était stoppé avec Blueberry qui après avoir libéré avec l'aide de '' Crowe '', l'éclaireur métis, le jeune Dick Stanton des mains des Mescaleros venus du Mexique, est retrouvé à moitié mort de soif avec le jeune garçon par une escouade dans les environs de fort Quitman, un des postes jalonnant la frontière entre le Mexique et le Texas le long du Rio Grande. Aussitôt remis sur pied que Blueberry entreprend de vite prévenir les Tuniques bleues de ce qui se trame réellement et de quoi en retourne cette guerre, qui depuis le départ n'est dû ni aux Apaches ou autres Navajos, ni dû aux soldats américains (malgré leurs réactions disproportionnées), mais aux Mescaleros. C'est ainsi que le colonel Birdling du fort Quitman confit à Blueberry le commandement d'une escorte d'une trentaine d'hommes ayant la charge importante de transporter des munitions là où se joue le coeur de la résistance à Camp Bowie au fort Bayard, là où le général Crook réside afin d'essayer de mettre un terme à toutes ces tueries malheureuses.


Pour ce troisième chapitre, Jean-Michel Charlier et Jean Giraud nous jettent dans une véritable course contre la montre en mode infiltration au coeur de la région avec une traversée de 240 kilomètres vers Pecos, pour ensuite traverser les Monts San Andres et Guadalupe où un véritable jeu de cache-cache et du chat et de la souris s'opère. Une chevauchée sous tension où Blueberry doit jongler entre les Peaux-Rouges en surnombre à esquiver, et le fait qu'un espion demeure dans l'escorte avec pour but de signaler leur présence aux Indiens. Une véritable partie de poker où Blueberry va faire preuve de tactiques et d'ingéniosités pour remplir au mieux sa mission en arpentant des sentiers difficiles par la vieille piste du Nord, tout en brouillant au mieux leur piste par différentes ruses. Dans un premier temps, une confrontation de l'ombre à face cachée a lieu entre Blueberry et l'ennemi mystère, pour finalement sortir des ténèbres et devenir une authentique menace physique, qui laissera place au premier véritable antagoniste conséquent de la saga avec Quanah-n'a-qu'un-oeil dit '' Aigle Solitaire ''. Un adversaire de taille qui conduira à un épisode saisissant dans lequel les deux hommes vont se confronter tout du long dans une multitude de décors d'une richesse étonnante qui sera un problématique parcours du combattant.


L'Aigle Solitaire est un troisième tome judicieux qui passe efficacement de phases incroyablement nerveuses à des moments d’apesanteur où les nerfs sont mis à rude épreuve à travers une menace invisible omniprésente que l'on sent tout proche, avec une sentence de mort qui inexorablement se rapproche par le prisme des évènements qui s'enchaînent les uns après les autres via des retournements de situations efficaces. Un scénario simple mais rondement mené qui va moins insister sur la facette peu glorieuse de l'armée des Yankees avec le racisme, laissant de côté une certaine nuance dans le propos visité dans les deux tomes d'avant, pour se centrer dans le concret de l'action autour d'une simple traversée qui va devenir un véritable enfer. Un volume de transition qui va peu faire évoluer l'intrigue principale en se positionnant comme un simple parcours entre un point et un autre. Un parcours dont on aurait certainement pu se passer mais qui reste superbement mis en page avec de superbes dessins faisant appel à des plans carrés proprement représentés par un esthétisme qui s'affine de mieux en mieux pour Jean Giraud. Toutefois, je maintiens la même critique sur l'irrégularité du trait autour du visage de Blueberry qui d'une case à l'autre n'est pas toujours bien dessiné, avec une face changeante surtout entre les différents volumes qui possèdent un décalage entre les traits des personnages déjà connus.




  • Craig !

  • Blueberry ! Ça alors !

  • Sacrée vieille noix ! Toujours l'air de sortir d'un magazine de mode, hein ?!

  • Et vous d'avoir passé la nuit dans une poubelle, hein ? Ha ! Ha ! Ha ! Follement heureux de vous retrouver vivant, Steve !



De nombreuses péripéties sous adrénaline viennent enflammer la lecture du lecteur qui ne peut plus détacher ses yeux des pages tant que la dernière n'est pas tournée avec des séquences haletantes comme : '' la prise de position de Quanah-n'a-qu'un-oeil avec la divulgation de la position du convoi par le feu du Grand-Arbre-Mort '' ; '' l'arrivée tant attendue et inespérée de Blueberry dans la crique d'eau au sable mouvant où les soldats sont encerclés par les Apaches et différentes tribus : action périlleuse dans laquelle notre cow-boy préféré aura une idée de génie pour se tirer de ce mauvais pas '' ; '' ou encore la traversée de la vallée des prairies sèches après les derniers contreforts de la Sierra de Mogollon qui va prendre subitement feu à cause de Quanah-n'a-qu'un-oeil qui va créer une véritable prison de flammes autour des Tuniques bleues. '' Des séquences admirablement entretenues par un suspense ingénieusement géré qui offre une plongée palpitante dans l'Ouest sauvage.


L'Aigle Solitaire fait appel à une flopée de nouveaux personnages intéressants à découvrir avec le vaillant sergent-chef Matt qui sera un véritable allié pour Blueberry, ainsi que l'intendant O'Reilly, un Irlandais amateur de whisky au bon cœur mais pas très futé qui va involontairement mettre des bâtons dans les roues de son unité en jouant le jeu de l'espion infiltré. Vient une flopée de personnages secondaires dont on ne retiendra pas grand monde si ce n'est le colonel Birdling du fort Quitman, ainsi que le général Crook du fort Bayard qui semblent être à l'opposé du major Bascom, commandant en second à Fort Navajo qui aura payé cher son étroitesse d'esprit. Vient enfin Quanah-n'a-qu'un-oeil dit Aigle Solitaire, à qui on dédie le titre de cette bande-dessinée. Un adversaire important qui va offrir un alter ego de taille à Blueberry. Un personnage qui sous son calme à l'apparence balafrée cache une rage totale envers les Tuniques bleues, et plus particulièrement contre Blueberry auquel il voue une guerre absolue au point d'en faire une affaire personnelle. Un chef de guerre important dans la tribu des Peaux-Rouges. Cet opus sonne également le grand retour du Lieutenant Craig, fils du général Craig, qui dans le volume d'avant '' Tonnerre à l'Ouest '', tenait un rôle de figurant, là où dans le premier volume '' Fort Navajo '', tenait un rôle important. Bien que son arrivée soit tardive, la conclusion de L'Aigle Solitaire laisse imaginer pour le personnage une suite dans laquelle il incarnera une pièce très importante.


L'on retrouve l'espiègle et indomptable Lieutenant Mike T. Blueberry dans une posture moins désinvolte en écho avec les événements tendus vécu par celui-ci qui me satisfait toujours plus. On le découvre à la tête d'une unité d'hommes qu'il va mener de main de maître prouvant sa capacité à pouvoir commander et à prendre de grandes responsabilités. Un modèle d'indiscipline capable au pire des moments de la plus grande discipline, lui évitant de devenir un cliché du genre. Un autre faciès de ce héros d'un nouveau genre pour l'époque, que l'on explore toujours plus et qui ne cesse de nous surprendre. Un cow-boy solitaire à l'instinct surdéveloppé, fin tireur, cavalier hors pair, à l'esprit de déduction élevé qui dans cette guerre entre les Indiens et les Tuniques bleues joue un rôle incontournable. Avec son visage emprunté au comédien Jean-Paul Belmondo, Mike Steve Blueberry fait preuve d'un comportement ambivalent capable du meilleur comme du pire, lui offrant une belle palette dramatique dans laquelle il ne cessera de se remettre en question ainsi que sa hiérarchie. Un beau personnage loin de surfer sur la caricature permettant dans la saga Blueberry de perdurer dans le temps. Un grand bravo aux efforts conjugués des papas de Blueberry : '' Jean-Michel Charlier '' et '' Jean Giraud. ''



CONCLUSION :



BLUEBERRY : L'aigle Solitaire en tant que troisième volume d'un cycle de cinq bande-dessinées au sein d'une vaste saga, symbolise admirablement la continuité de la lutte entre les nombreuses tribus indiennes et les colons et plus précisément avec les Tuniques bleues. Un épisode de transition sous haute tension, dont on aurait honnêtement pu se passer, qui offre néanmoins un périple admirablement bien géré avec une confrontation tendue et palpitante entre Blueberry et L'Aigle Solitaire, premier grand antagoniste d'importance pour la saga.


Une chevauchée infernale qui promet une expédition sous tension dans l'enfer de l'Ouest.




  • Ohé ! Ohé ! Blueberry ! Sacrément bien joué vieux frère ! Ha ! Ha ! Ha ! Quelle hécatombe ! Amenez-vous ! On va arroser ça ! C'est ma dernière bouteille !

  • Ce sera bien la dernière en effet ! Ça, je puis vous le jurer. Et vous ne croyez pas si bien dire ! Espèce d'ivrogne !

  • Hein ! Que... Que... Qu'est-ce qui vous prend ? P... Pourquoi sortez-vous votre co... colt ! Hey !!! Blueberry ! Vous êtes fou !? Ça part tout seul ces... ces engins-là... Ce... Ce serait un meurtre ! Hey !... Non !... Non !...

  • C'est votre damnée caboche d'Irlandais embrumée de whisky, que j'aurais dû viser O'Reilly. Tous les hommes que nous avons perdus sont morts à cause de votre stupidité ! Et vous passerez en cour martiale pour ça ! Je vous le jure !


B_Jérémy
9
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le 23 nov. 2021

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10

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