"L'autre part" m'a été conseillée par une amie libraire qui avait eu un coup de cœur pour cette bande dessinée muette. Je suis également tombé sous le charme de cette aventure qui, sans paroles, parvient à raconter tant de choses essentielles. On y suit les aventures d'un crayon de couleur anthropomorphe qui, à la suite d'une infiltration d'eau et d'une coupure d'électricité dans son petit appartement d'artiste, se retrouve à descendre dans la cave de son immeuble pour rétablir le courant. Face à lui, un grand miroir dans lequel son reflet disparaît sous un déluge d'encre noire. Ni une ni deux, il prend son courage à deux mains et franchit la surface glacée pour rejoindre son alter ego en difficulté.
L'histoire contée dans ce roman graphique plein de tendresse et de couleurs est à la fois une quête identitaire, une belle aventure d'amitié et une ode à l'imagination et à la créativité. Ces planches peuvent s'interpréter comme un combat contre la dépression, une lutte contre la censure, un refus de l'uniformisation du monde et du conformisme... Elles valorisent la découverte de soi à travers l'art, la collaboration et l'amitié. Sans manquer d'explorer les ressorts de la création artistique et de son caractère parfois destructeur, en témoigne cette mine de crayon ravagée après des nuits organiques. On ressort ragaillardi de ces aventures (littéralement) hautes en couleurs qui se « lisent » (s'admirent ?) avec une facilité déconcertante.
Dans la catégorie des bandes dessinées sans texte, "L'autre part" occupe une place à part. Loin de verser dans la noirceur (qu'elle combat), la vulgarité ou le cynisme, comme c'est souvent le cas, cette œuvre nous propose légèreté, poésie et humour, sans jamais verser dans la niaiserie ou le simplisme. Une lecture feel-good comme on les aime, pour se remettre de la lecture d'un Winschluss ou d'un Larcenet.