L'Enfer, le silence - Blacksad, tome 4 par Ekyrby
La plus grande force de Blacksad, c'est de s'approprier à chaque fois un cadre et une ambiance différente tout en restant fidèle ses principes. Les auteurs ont le talent d'installer et de développer une histoire en changeant de contexte et c'est comme si il était installé depuis plusieurs albums. Que ce soit en termes d'esthétique ou de chromatique, d'ampleur de l'intrigue, de personnages, chaque album réussit à avoir une identité très forte en restant très Blacksad. Cette familiarité partagée par les albums est véhiculée par Blacksad lui-même (seul personnage vraiment récurrent dans tout les albums), et par des constantes dans la narration: des sujets qui parlent au lecteur (le racisme, la crainte du nucléaire), une mélancolie toujours en lisière, et surtout beaucoup beaucoup de tendresse pour les personnages.
Et évidemment des dessins beau à se flinguer!
L'enfer, Le Silence, ne déroge pas à cette courte tradition, en transposant le garde du corps félin dans un nouveau cadre, et le moins que l'on puisse dire, c'est que les auteurs n'ont pas choisir la facilité! A l'opposé d'Arctic Nation et de sa banlieue floconneuse, nous voilà à la Nouvelle Orléans, feu d'artifice de couleurs et de personnages bercés par une ambiance Jazzy. Et graphiquement, ça pète dans tout les sens. Les couleurs très chatoyantes sont impeccablement utilisées par le dessinateur qui n'a pas ménagé sa peine. Quelques scènes éclatent littéralement la rétine par leur finesse et les effets utilisés.
Pourtant, après avoir fini l'album (trop rapidement!), je suis resté avec une impression de manque. Ce 4e tome manque de substance. Ce ne sont pas les dessins, magnifiques, ni les personnages, très réussis comme d'habitude. Ce n'est même pas le scénario, pourtant le point faible de la série si on s'attend à une intrigue policière fouillée, mais qui sert toujours admirablement le propos des auteurs et ses personnages. Pour moi, ce manque de substance vient de la structure du récit, plus que jamais hyper haché. Les scènes sont très courtes, 2 pages maximum, ce qui crée un faux rythme frénétique qui ne colle pas au scénario. Beaucoup de dialogues qu'on aurait aimé voir durer un peu plus sont brutalement conclus sans avoir réellement apporté, de nouveaux éléments. De plus cette structure très rapide m'a rapidement embrouillé sur la chronologie des évènements.
Reste un scénario quand même inspiré, avec des personnages tout sauf évidents et manichéens, et une histoire encore une fois très mélancolique. Malgré un Blacksad moins impliqué qu'à l'accoutumé, tout ce petit monde évolue joliment devant nos yeux, et on désespère d'arriver à la dernière page. Bonus spécial à ce personnage mystérieux qui semble lié au passé de Blacksad et que j'aimerais bien revoir dans un prochain tome.
En conclusion, pas le meilleur Blacksad, mais toujours une merveilleuse BD. Eh, quand on est habitué à l'excellence...