Fallait pas rater l'Hébus!

Lanfeust, on m'en causait depuis longtemps quand j'ai découvert, à la sortie du tome 1 de Lanfeust des Étoiles qui fut par ailleurs mon premier contact avec la série (mais ceci est une autre histoire...). J'ai très vite accroché, parce que, l'air de rien, c'est de la très bonne qualité (ça l'est moins maintenant, mais ça aussi c'est une autre histoire): scénario somme toute classique mais pas mal ficelé, personnages attachants, grande maitrise de la "mise en case", très joli dessin de la part de Tarquin...

Mais reprenons du début, c'est l'histoire d'un plouc rouquin paumé dans son village de Glinin, un bled perdu dans la campagne... et la campagne, sur Troy, le monde de Lanfeust, c'est pas de la gnognotte. Il réussit plutôt bien et est en passe de se taper la jolie blonde C'ian, une des deux filles du sage du village. Professionnellement, la réussite est là également: s'il n'est qu'apprenti à la forge, son travail est largement apprécié, puisqu'il peut faire fondre le métal d'un regard. Car oui, sur Troy, tout le monde (simplifions pour l'instant) est doté d'un pouvoir unique ou presque, émanant du Magohamoth, bête légendaire, dont l'influence magique est relayée partout grâce aux sages d'Eckmül, érudits, dont fait partie Nicolède, le père de C'ian. Un beau jour qu'il est à la forge, un chevalier des Baronnies, patrie où la magie est bannie, vient réclamer la réparation de son épée, endommagée lors de son combat avec un troll, créature humanoïde primitive.Lorsque Lanfeust touche le pommeau d'ivoire de l'épée, l'incroyable se produit: Nicolède réalise que Lanfeust peut désormais faire appel à un pouvoir absolu. Tandis que le possesseur de l'épée, le chevalier Or-Azur, reprend sa route en refusant de céder son bien, Lanfeust, Nicolède et ses deux filles, C'ian et Cixi, prennent la route pour le siège de la puissance magique, la grande cité d'Eckmül...

Pour dire l'efficacité de la narration, tout ça, en plus de camper les personnages, est raconté en moins de dix pages, dès le début de l'histoire, et sans que ça paraisse lourd ou artificiel.

Visuellement, c'est superbe, et l'on ne saurait ignorer l'impressionnant travail du coloriste, de toute beauté. Tarquin est très à l'aise pour suggérer les ambiances, et se défoule complètement en travaillant les architectures, les créatures et les personnages: ça fourmille de détails, à l'image de ce fabuleux pétaure dont la vie se finit bien vite hélas. D'ailleurs, parlons-en: un pétaure, c'est un genre de gros mammouth (sauf que ça a pas du tout la même tronche), très utilisé par les voyageurs pour circuler dans les régions inhospitalières, mais qui refuse absolument d'avancer si son conducteur ne chante pas. Ca donne une bonne idée, d'une part, du travail effectué sur le monde de Troy, qui y gagne en crédibilité, et d'autre part, de l'humour parfois absurde d'Arleston. Il est intéressant également de s'attacher au personnage d'Hébus: troll de son état, enchanté par Nicolède, il est doté d'un humour de prédateur, bouffe tout ce qui passe devant lui et écrase toute protestation d'une logique imparable de troll, primaire et efficace (j'ai raison parce que sinon je te tape, d'accord? Imparable). Outre le jeu de mots évident de son nom, c'est une splendide parodie on ne peut plus efficace.

Voilà. Lanfeust et son monde ont malheureusement subi divers outrages au long de leur existence, mais on peut au moins lire les 8 opus de la première saga avec beaucoup de plaisir. Héros malgré lui, bouseux accompli au Q.I. fortement limité, Lanfeust est en soi un personnage vraiment réussi.