La Pologne vue par les yeux d'une enfant - Marzi : L'Intégrale, tome 1 par poko

Marzi, la bande dessinée scénarisée par Marzena (Marzi) Sowa et dessinée par Sylvain Savoia, je l'avais lue enfant, alors que les planches, semaine après semaine, paraissaient dans les Journal de Spirou que je recevais de ma voisine. Je n'avais pas vraimant accroché à cette histoire un peu trop proche et trop éloignée de moi, dans laquelle je pouvais d'une certaine manière me reconnaître et d'une autre ne rien trouver crédible. Je ressentais sans doute ces sentiments mitigés voire paradoxaux pour la première fois, et, comme je ne le comprenais pas, j'étais simplement fascinée par les petites cases que je relisais cent fois ou, au contraire, fuyais en feuilletant mon magazine.
Il faut bien dire qu'une fillette qui vit dans un immeuble à appartements, retrouve ses amis pour jouer et ne comprend pas tout aux rites chrétiens, ça semble normal, mais la pénurie de sucre ou d'oranges qu'a pu connaître la Pologne communiste décrite dans cette bande dessinée a toutes les raisons d'être absurde pour un enfant de dix ans qui ne comprend pas encore l'Histoire qu'il apprend.

Aujourd'hui, après m'être longtemps demandé ce que ce récit, au-delà de mes souvenirs rancuniers, exprimait vraiment, j'ai enfin acheté le premier tome de Marzi (1984-1987), et voici que je me retrouve à aimer ce qui me perturbait et me détacher de ce en quoi je me retrouvais parfois.

Je n'ai jamais aimé ces livres qui s'adressent à la fois à des jeunes et à des adultes et qui hésitent sur le ton. On y retrouve la naïveté de l'enfance, présentée "au présent", comme vécue au jour le jour, avec, parfois, cette touche de recul, comme pour montrer que l'auteur - le narrateur, la barrière est floue quand cette erreur se fait - a bel et bien grandi. Cette espèce de demi-ton ton fausse et la naïveté et le recul et s'ajoute souvent, comme ici, à un effet de longueur non-variée - toujours le même ton, comme si l'émerveillement et les jeux étaient un long monotone dont l'enfant lui-même ne s'amuserait plus.
Mais il faut dire que le récit présenté dans Marzi est intéressant. Les anecdotes sont vivantes, les détails inattendus. La Pologne, "vue par les yeux d'une enfant", comme la couverture l'indique, vue de l'intérieur, est exprimée d'une manière assez unique et percutante. Se dévoile la vie d'une famille où le manque se fait sentir mais ne tue pas, où l'attente rythme le temps, mais pas autant que la foi et où Marzi, la narratrice, ne comprend pas qu'autour d'elle, c'est l'Histoire qui se vit. Ce n'est pas tous les jours que j'ai l'impression de comprendre, un instant, ce qu'on a pu vivre "ailleurs".

Marzi n'arrive donc pas à élever sa forme au niveau de son fond, et c'est bien dommage. J'aurais voulu pouvoir revenir sur mes impressions d'enfant, pas juste les inverser.
poko
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le 11 avr. 2013

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