L'histoire est intéressante; elle se base sur un fait tragique de la grande guerre, lui même issu d'un engagement méconnu de cette dernière: la bataille de Morhange, une énième offensive française malheureuse et oubliée, au début du conflit.
Cette BD a donc le mérite d'exister ne serait ce que pour ça. Et puis elle n'est pas vilaine en plus cette bd, plutôt léchée avec des décors, des trognes et des patois qui fleurent bon le début du XXème siècle. Jolie, mais pas percutante non plus. La bataille initiale manque surement de souffle épique et de "contenu explicite" pouvant mieux restituer toute l'horreur de cet abattoir international. On peine à croire que 1000 hommes sont tombés ce jour alors qu'on n'en voit qu'une poignée, le temps de quelques cases.
Vient ensuite toute la mise en place de la magouille visant à faire porter le chapeau aux méridionaux. Et tout cela transpire d'un cynisme insupportable. Et presque trop. Allons-y pour déballer le train fantôme, le musée des horreurs, la sinistre troupe de théâtre de 1914. Entre les fiers soudards lorrains racistes, les journaleux corrompus, les politiques froids et manipulateurs, les généraux bornés et arrogants, le médecin fielleux et délateur, le curé tête-de-bois et dévoué à une cour martiale non moins antipathique... Il n'y a guère que le personnage principal, un brave paysan anxieux dépassé par les événements, qui soit sympathique. On se demande à chaque réplique, souvent si outrancière, s'il s'agit de phrases historiques ou bien d'anecdotes inventés. On se dit, de chaque personnage, "mais quel enfoiré olala, il n'a quand même pas dit ça? Si?". Et l'on retrouve finalement tous ces archétypes de la première guerre mondiale, vus et revus, dont je ne vais pas nier qu'ils ont pu exister, mais que tout de même on a vu ça 30 000 fois, hein les méchants généraux qui envoient la brave troupe à la mort en haussant les épaules devant les protestations etc etc. Au final, malgré la présence à la fin d'un carnet de notes explicatives, tout cela parait assez manichéen, ou tout du moins, nébuleux. Où est le récit historique, où est l'anecdote et l'invention de l'auteur, that's the question.
Mais bon, quand on a lu le monument de Tardi sur la guerre des tranchées, tout parait moins bien derrière, forcément.