Ce troisième épisode de la série Jeremiah n’est pas le meilleur, mais il contient de trop bonnes choses pour le passer sous silence.

Jeremiah et Kurdy voyagent de conserve avec leurs montures. Sans autre ressource que leurs bras et leur intelligence, ils cherchent du travail. Jeremiah trouve une place dans une grosse exploitation agricole, pendant que Kurdy pêche à sa manière. Mais Jeremiah constate rapidement que l’ambiance à la Bancroft Farming Company est plombée. D’abord, il a dû endosser une sorte de blouse jaune numérotée (206) et l’exploitation est sous la coupe d’un homme qui a instauré des habitudes franchement déplaisantes ainsi qu’un climat malsain. La famille Bancroft qui est propriétaire des terres est composée d’un frère et une sœur ainsi que de leur oncle Nathaniel. Jeremiah et Kurdy ont été recueillis par le frère de Nathaniel qui les a finalement mis au courant de l’historique du coin. En gros, depuis que le mielleux Alvis Trenton a séduit Nathaniel, la situation est passée d’idyllique à un vrai cauchemar digne des pires régimes totalitaires. Chacun dans son genre, Audie et Jessica sont des rejetons dégénérés. Audie est un désaxé violent alors que Jessica est une créature irrésistible qui use et abuse de son charme. Elle est à la colle avec Briggs, l’intendant sans le moindre état d’âme de Trenton.

En tant que jeune homme épris de liberté et de justice, Jeremiah va se mêler de cette histoire dont Kurdy dit qu’elle ne les regarde pas. Jeremiah va être à l’origine d’une révolte latente depuis que tous les exploitants agricoles du coin se sont vus spoliés de leurs terres. Ils ont subi une menace même pas voilée et se sont vus contraints de travailler pour l’Exploitation afin de survivre.

Je déplore l’aspect vraiment sans nuances des personnages qui tiennent les rênes de l’Exploitation, à savoir Trenton et Briggs, duo auquel il faut ajouter Jessica et son frère Audie. Ils constituent un véritable panier de crabes au sein duquel il n’y a vraiment rien à sauver. Ceci dit, à la décharge d’Hermann ce panier de crabes lui permet de mettre en place une situation qu’il exploite à merveille. Ainsi le scénario est irréprochable et le style Jeremiah se met vraiment en place, avec un dessin très esthétique, fouillé et léché où certaines cases sont un régal pour l’œil. Exemple marquant avec les premières planches où on voit Kurdy pêcher. Tout son caractère est là, l’ambiance est lumineuse, la nature dans tout son éclat. Ajoutons qu’il y a là une merveille d’organisation des planches et on obtient un début sans rapport réel avec l’histoire développée ensuite, mais qui justifie à lui seul de rouvrir l’album régulièrement.

Cette BD (publication en janvier 1980) alterne les planches lumineuses et sombres, des moments calmes et de l’action, ainsi que des vignettes aussi marquantes que des tableaux, comme au bas de la planche 25 et en haut de la 38. Hermann ménage un beau suspense, une révélation de taille, ainsi qu’un final époustouflant. Enfin, il en rajoute une couche sur sa vision de l’humanité en montrant une belle initiative pervertie par l’ambition des uns, la force des autres et le besoin de sécurité de chacun. Kurdy et Jeremiah poursuivent leur route en cow-boys solitaires et désabusés, en se dirigeant vers le soleil couchant. Rien ne vaut la beauté de la nature. Bien évidemment, ce duo de circonstance reste exposé aux aléas des futures rencontres.
Electron
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le 24 avr. 2013

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