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Love Kills
6.1
Love Kills

Comics de Danilo Beyruth (2021)

Tout est une question de perspective. Les premières planches de Love Kills présentent une métropole dans ce qu’elle a de plus ordinaire : des buildings à perte de vue, des rues engorgées par la circulation automobile, des sans-abri prisonniers en plein air. En changeant de focale, le scénariste et dessinateur Danilo Beyruth nous invite ensuite à pénétrer dans l’appartement d’Helena, « jeune » vampire solitaire que nous découvrons en sommeil dans une baignoire remplie de terre. C’est l’acte initiateur d’un récit d’urban fantasy particulièrement sombre. Et qui se distingue d’emblée par les dessins splendides, tirés au cordeau, d’un bédéiste dont on avait déjà pu mesurer le talent chez Marvel Comics (Les Gardiens de la galaxie ou Ghost Rider, pour ne citer que ces exemples).


Dans Love Kills, certains vampires sont solitaires, tandis que d’autres chassent en meute. Tous ont une emprise psychologique puissante sur les simples mortels et périssent à vue d’œil sans nourriture suffisante. Le récit de Danilo Beyruth progresse en rationnant l’information : on ignore longtemps pourquoi Helena est pourchassée par d’autres vampires et quelle peut bien être cette créature en état de décomposition qui avance inexorablement vers la ville. Ces zones d’ombre maintiennent le lecteur en haleine, de même que la relation ambivalente qu’entretiennent Helena et Marcus, un cuisinier qui échappe à son emprise et qui cherche à la protéger de ses ennemis. L’homme semble quelque peu ingénu : ses premières apparitions tendent à le caractériser comme un individu scrupuleux s’échinant à ne pas faire de vagues. C’est ainsi que sa collègue Aline dit de lui qu’il est talentueux et qu’il ne devrait pas se laisser brocarder à peu de frais par son supérieur.


À bien y réfléchir, Danilo Beyruth nous donne un premier indice quant à la destinée d’Helena dès l’ouverture de Love Kills. Après avoir regardé un documentaire animalier où une lionne plante ses crocs dans un zèbre, elle sort de chez elle vêtue… d’une robe à rayures. La messe est dite : cette fois, la proie, ce sera elle. Il y a à cet égard un peu de Blade dans l’album. Un personnage comme Victor, l’unique ami d’Helena, en atteste : pour se nourrir, il porte ses canines au cou de sa mère, la laissant vivante (certes dans un état quasi végétatif), ou piège des pédophiles (arguant qu’ils méritent leur sort). Pendant que la typologie des vampires se construit peu à peu, celle de la ville est patiemment élaborée : on a tôt découvert son urbanité, on s’immisce ensuite dans ses immeubles, dans ses bas-fonds, ses réseaux sous-terrains et même ses hôpitaux. Au milieu de tout cela, Danilo Beyruth dispense une réflexion intéressante par l’intermédiaire d’Helena : selon elle, les vampires, pourtant potentiellement immortels, sont des êtres soustractifs, tandis que l’humanité s’inscrit dans un cycle sans cesse renouvelé.


Mené tambour battant, somptueusement dessiné, profondément sépulcral, Love Kills s’apparente à un shoot de dopamine seulement contrarié par son manque de propos. C’est excusable, mais néanmoins regrettable, car l’album avait tout, ou presque, pour faire date.


Sur Le Mag du Ciné

Cultural_Mind
7
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le 30 avr. 2021

Critique lue 62 fois

Cultural Mind

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