Ce tome fait suite à Exodus Noir, et il contient les épisodes 16 à 23 ainsi que l'histoire courte (7 pages) parue dans le premier numéro annuel de House of Mystery.


L'histoire principale se déroule en 1957 à New York. Betty Reynolds appartient à la bourgeoisie aisée et fait les boutiques avec une amie pour dépenser l'agent gagné par monsieur. Elle mène une vie de femme au foyer qui accomplit son devoir conjugal 2 fois par semaine avec soumission. Mais voilà qu'une forme de fantastique bénin mais dérangeant commence à s'attacher à sa personne. Tout commence lors d'une séance d'essayage de jupe qui refuse de tomber droit et se soulève en permanence telle la robe de Marylin dans Sept ans de réflexion. Puis elle a des petits soucis de cheveux, d'ongles, de taille de bonnet, etc. Les dérèglements allant en s'aggravant, elle finit par se rendre à la boutique de madame Xanadu. Celle-ci détecte un lien avec une secte sataniste qui semble bien inoffensive et dont le grand prêtre semble surtout intéressé par l'argent des participants. Alors que Nimue se retrouve bien embarrassée pour savoir où enquêter, elle est accostée par un mystérieux individu en imperméable et feutre mou qui se propose de l'aider. Encore plus surprenant, il ne s'agit pas du Phantom Stranger, mais de quelqu'un qui se présente sous le nom de monsieur Jones. La source de ces dérangements se trouve dans le passé et la famille de Nimue.


Matt Wagner continue d'entremêler une aventure de madame Xanadu avec son passé. Pour cette histoire, il détaille le sort du peuple des créatures féériques depuis l'apparition de l'homme sur terre jusqu'à la chute de Camelot. Il consacre un épisode entier à revisiter la légende arthurienne dans laquelle il va souvent piocher pour ses récits.


Le premier épisode enserre le lecteur dans un puissant enchantement. Les illustrations d'Amy Reeder dégage à la fois un charme rétro qui capture les années 1950, l'insouciance et le plaisir de vivre de Betty Reynolds et son amie qui dépensent à loisir de l'argent qui ne manque pas, et les moments désagréables de la vie quotidienne glissent sans laisser trop de trace. Même les dysfonctionnements magiques s'intègrent dans le train-train en apportant un peu de folie dans un quotidien parfois trop ronronnant. Betty Reynolds est une jeune femme sans trop de soucis qui s'accommode facilement de ce qu'elle accepte comme des petites contrariétés.


Avec l'entrée en scène de Nimue (Madame Xanadu), le récit retourne vers un schéma plus traditionnel où il y a une méchante (liée à Nimue) dont le but est de nuire à la race humaine, et où il y a l'héroïne qui essaye de déterminer l'objectif de la méchante et de la circonvenir. Comme dans les tomes précédents, Matt Wagner prend un malin plaisir à brouiller la frontière entre DC Comics et Vertigo en faisant apparaître un chasseur d'hommes du nom de John Jones. Wagner utilise ses superpouvoirs, sans pour autant révéler sa vraie forme afin de ne pas faire basculer le récit dans le monde des superhéros traditionnels.


Les épisodes 19 et 20 sont consacrés à l'histoire commune de Nimue et son ennemie. Ils sont dessinés par Joëlle Jones qui a un style plus simpliste que celui d'Amy Reeder, et moins expressif. Ce n'est pas désagréable, mais c'est moins satisfaisant. Par conte, coté scénario, Wagner utilise la connaissance des lecteurs des intrigues autour d'Arthur pour développer intelligemment cet aspect là de la série.


Matt Wagner construit une histoire de vengeance entrelacée d'éléments divers et variés souvent très savoureux qu'il s'agisse de la condition féminine dans la bourgeoisie de l'époque, de la pratique des arts magiques par Nimue, des manifestations de possessions telles qu'un vomissement continu d'insectes, ou de ce culte de pacotille dont les membres se dénudent lors de leur réunion.


Amy Reeder donne à l'ensemble de ses illustrations un charme irrésistible. Il y a autant de malice affectueuse dans ses dessins que dans le scénario. Évidemment lorsque les bourgeois se dessapent pour célébrer leur culte, il est hors de question de voir un sexe ou un sein. Mais Reeder parvient quand même à ne rien occulter des différentes morphologies des uns et des autres, de leur conscience de briser les tabous sans se sentir coupable pour autant. De la même manière, la pauvre dame vomissant un flux continu d'insectes constitue une vision peu appétissante, mais dont l'horreur est atténuée par la grimace irrésistible qui annonce le vomissement. J'ai juste trouvé que l'encrage de Richard Friend manquait de finesse dans les derniers épisodes, et que les traits des protagonistes perdaient de fait de leur séduction.


La courte histoire finale est détachée de la continuité et est un petit bijou sur le thème de la possession : une jeune fille subit l'influence d'un masque qu'elle a acheté chez un antiquaire, également par Matt Wagner et Amy Reeder au meilleur de sa forme.


Wagner et Reeder donnent chair à Madame Xanadu qui est fort séduisante tout en restant étrangère à la race humaine, dans un récit bien construit intégrant plusieurs composantes.

Presence
9
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le 17 févr. 2020

Critique lue 63 fois

Presence

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