Un père s'éteint lentement alors qu'un fils rallume la flamme

Longtemps il a cherché à se souvenir... Voilà ce qu'Art Spiegelman essaie de comprendre. Pas tant à faire comprendre l'importance du souvenir de ce qui a marqué l'humanité, mais plutôt à comprendre lui même ce qui a fait de son père ce qu'il est devenu, quelques années avant sa mort.

Son projet était forcément tragique. Après tout, cette œuvre est avant tout une recherche du temps perdu qui ne se solderait que par la mort de son père. Chercher à comprendre le passé amène forcément à prendre conscience que le temps s'arrête pour tous, même ceux qu'on croit immortel. Ce temps perdu n'est pas le sien mais celui que son père a vécu, qui l'a détruit et qui en a fait autre chose. Une espèce de moribond n'ayant pas forcément conscience du monde qui l'entoure, n'étant plus à même de vivre dans un monde hors des camps, hors du champs de la mort qu'il a tutoyé, avec laquelle il a appris à survivre. Vladek n'est plus qu'un survivant, il ne fait plus parti des vivants.

Art Spiegleman décrit, avec "Maus", une introspection très profonde. Son père, qui apparaît tout d'abord un peu comme un monstre, devient à force la source d'une histoire difficile à dessiner et à lire. Et plus les chapitres passent, moins le souvenir de la guerre n'est décrit, et plus le présent devient le centre du récit. Est-ce à dire que "Maus" cherche à décrire comment les survivants ont vécu l'après ? On a surtout l'impression que l'auteur a voulu expliquer comment la génération d'après a perçu leurs parents, comment sans connaître leur histoire ils ont pu passer sous silence des moments qui définiront la génération des rescapés.

Cette œuvre majeure s'inscrit, comme "Shoah", dans un courant qui avaient pour ambition de décrire ce qui s'est passé, pour mieux comprendre par où les survivants sont passés pour pouvoir comprendre leur douleur, la tragédie de leur existence et ce qu'ils ont pu devenir. Ce livre a permis à Spiegelman de comprendre ce qu'était son père, ce par quoi il est passé, pour que lui se souvienne que cette atrocité a détruit la vie, a détruit les survivants où tout comme une pierre jetée dans l'eau, les effets se font ressentir même sur ceux qui n'ont pas été éclaboussés.
David_Toubiana
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le 27 mai 2014

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