Une reconstitution tout à fait réussie
Cette BD retrace la vie d'Olympe de Gouges, femme écrivain qui rédigea notamment une déclaration des Droits de la Femme dans les premiers temps de la Révolution. Destin tragique, au final, car rangée parmi les "indulgents", ceux qui s'inquiètent de la Terreur, Olympe fait partie des premières charrettes de révolutionnaires passées au tribunal de salut public.
La chronologie est fidèlement respectée. La BD commence avant même la naissance de l'héroïne, pour que l'on comprenne bien le rapport à son père, un dramaturge originaire de Montauban dont la carrière fut brisée par Voltaire. Puis on suit le parcours d'Olympe : première amitiés littéraires, fort peu encouragées par le milieu familial, mariage malheureux avec un boucher, veuvage qui arrive comme une heureuse surprise, montée à la capitale, libertinage (avec Philippe-Egalité !), tentatives de percer au théâtre, avec des pièces sur l'esclavage, Dumouriez, et enfin chute injuste.
Le graphisme est plutôt bon, sans être excellent. Les bâtiments sont rendus avec une grande acuité, mais les scènes de foule manquent un peu de vie, et tout tourne un peu trop autour de l'héroïne. Cela dit on croise énormément de figures de l'époque : Voltaire, Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre, Condorcet, Benjamin Franklin, Brissot, Danton, Robespierre et j'en passe. Au point que je songe à utiliser certaines cases pour des activités en cours d'Histoire (le débat Condorcet-Franklin sur l'esclavage, peut-être).
Une des forces cette BD, c'est de créer une forte intimité avec le personnage choisi : ses préventions contre Voltaire, sa manière vive de parler, sa fidélité en amitié, sa manière de faire son nid à Paris, ses affaires conjugales. Un peu comme dans la série "Mad Men", on voit la grande histoire traverser le quotidien des gens. Tout est très vivant et témoigne d'un gros travail de recherche, comme en attestent les annexes : chronologie, fiches de personnages. On aimerait que toutes les BD historiques arrivent à être à la fois aussi bien renseignées et aussi vivantes. Malgré l'épaisseur du volume, j'étais étonné que la fin arrive si vite.
Alors pourquoi pas 10 ? Parce que le propos, quand on traite de la Révolution, peut être étoffé à l'infini, et que sur un sujet aussi exigeant, on n'a pas envie de dire que la perfection a été atteinte.