La tête dans les étoiles

Les éditions Panini rééditent en 3 tomes l’excellente série d’anticipation astronautique Planètes de Makoto Yukimura. Au programme : exploration des confins et introspection.

En 2050 aura lieu le premier match de baseball sur Mars et en 2080 un vaisseau de liaison s’approchera de Jupiter... La série Planètes s’inscrit dans une veine d’anticipation réaliste assez peu usitée en bande dessinée : les aspects techniques et documentaires y sont bien développés. Ainsi vous ne tarderez pas au fil des pages à vous familiariser avec les 6 points de Lagrange, le « Bend » et les E.V.A… Surtout, l’auteur n’oublie pas de montrer le revers du développement technologique : en orbite autour de la Terre dérivent de nombreux déchets industriels fort dangereux pour la navigation spatiale. Ainsi la série se déploie autour d’une poignée de personnages qui font le métier de « récupérateurs », des éboueurs de l’espace.

Éboueurs spatiaux

S’il a le souci de la vraisemblance technologique, l’auteur s’appesantit peu sur les conditions géopolitiques qui ont rendu possible l’essor de la recherche spatiale. C’est qu’il s’attache surtout au caractère de ses personnages et à leurs émotions. Qu’est-ce qui pousse ces nouveaux marins au long cours à abandonner leur foyer pendant plusieurs années ? Yuri semble guetter une trace de sa femme dont le corps est porté disparu dans l’espace. Fee, la très tabagique capitaine du vaisseau récupérateur Toy Box, fuit-elle une société détestée ou ses responsabilités d’adulte ? Hachimaki est-il en rivalité avec son père, célèbre astronaute et irresponsable notoire ?

Ecrit plusieurs années avant la vigoureuse série Vinland Saga, toujours en cours de publication (cf. Zoo n°31), Planètes étonne par son caractère modéré. Il n’y a pas de méchants à proprement parler et ses héros recèlent souvent une bonne dose d’égoïsme. En termes d’action et de rebondissements, les soubresauts de l’intrigue sont plutôt calmes. Certes on croise les activités d’un groupe terroriste et une guerre avec des répercussions spatiales, mais somme toute l’aventure est surtout intérieure et familiale, sans doute parce que le vide sidéral est propice à la réflexion.

Frontières floues

Comme la limite entre l’atmosphère terrestre et l’espace est indiscernable, les seuils psychologiques qui sont pourtant au cœur du récit sont peu marqués. Ainsi si l’on considère que Planètes est aussi l’histoire du parcours initiatique de son héros japonais, Hachimaki, qui le mènera à l’acceptation de sa condition, on constate que son évolution n’est absolument pas linéaire : les étapes qu’on croyait déterminantes n’ont pas forcément l’effet envisagé. Lorsque, à la suite d’un accident, il prend conscience que l’espace est partout, cette révélation n’a dans un premier temps aucun effet bénéfique sur lui. Il lui faudra aller jusqu’à Jupiter, à quelques centaines de millions de kilomètres, pour comprendre que ce qu’il cherchait n’y était pas.

Vlad Bapoum