Les aléas de la vie ne me laissant pas toujours le temps de me consacrer à mes passions, j'ai mis quelques temps avant de revenir sur ce bon vieux SC. En effet, j'ai encore deux, trois trucs à dire. Et je vais causer tout d'abord d'une bande-dessinée que j'ai beaucoup apprécié, avec son univers fantastique peuplé de goules, vampires, lycans et démons en tous genres.


Requiem Chevalier Vampire découlait à sa parution en 1999 d'un projet de longue haleine mené par le scénariste anglais Pat Mills en collaboration avec le dessinateur Olivier Ledroit. Si Ledroit bénéficie depuis longtemps d'une certaine renommée dans le milieu de la BD franco-belge, notamment pour avoir été l'un des dessinateurs des Chroniques de la Lune Noire (chaque couverture de la série étant signée par ce dessinateur), Mills reste quant à lui beaucoup moins connu de ce côté de la Manche. Il n'en est pourtant pas moins réputé et influent dans le milieu du comic anglais puisque en plus d'être un scénariste hyper-actif (il est l'auteur de plusieurs centaines de scénarios), il est aussi le créateur de la mythique maison d'édition 2000 AD (dont Judge Dredd fut l'un des héros-phares).


Face à la singularité de la trame de Requiem : Chevalier Vampire, Mills et Ledroit se heurtèrent longtemps au refus des éditeurs de publier leur histoire. Les deux hommes remédièrent finalement au problème en 99 en fondant (en partenariat avec Jacques Collin le cofondateur de Zenda) leur propre maison d'édition indépendante (Nikel) consacrée au départ à la seule publication de Requiem.


Cette bande-dessinée nous conte l'histoire de Heinrich, un soldat allemand qui en 1944 trouve la mort sur le front russe. Il se réincarne alors en vampire dans une dimension infernale appelée Résurrection où le cours du temps et les valeurs morales sont inversées. Ainsi, plus on a été mauvais dans notre vie terrestre, plus on a de chance de s'incarner en un prédateur alpha dans l'autre monde. En outre, les êtres de cette réalité n'y vieillissent plus mais rajeunissent progressivement jusqu'à l'état de nourrisson. Lors de son périple sur Resurrection, Heinrich croise plusieurs personnages historiques tels que Néron, Attila, Robespierre et Dracula. Au fil de ses rencontres, il accède au statut de chevalier et suit les enseignements de Cryptus, un très ancien vampire à l'apparence de nourrison. Rebaptisé Requiem, Heinrich participe à une multitude de batailles dantesques et y affronte nombre de créatures démoniaques. Mais la seule chose qui le motive vraiment au fin fond de cet enfer, c'est l'espoir de pouvoir retrouver Rebecca, sa défunte dulcinée.


Dès ce premier tome, on retrouve cette ambiance délétère et ésotérique propre aux autres récits de Mills (Shâ, Shadowslayer). La sorcellerie et la réincarnation sont en effet devenus des thèmes récurrents que l'on retrouve invariablement dans ses scénarios, l'auteur puisant vraisemblablement ses influences autant dans la littérature qu'au cinéma et même dans la grande Histoire (César, Napoléon, J. Edgar Hoover et Mary Shelley font leurs caméos tout au long des onze tomes).


Foisonnant d'idées et de thématiques, le scénario hautement référentiel de Mills ne se prend jamais au sérieux et alterne allègrement horreur et humour avec un savoir-faire indéniable. L'histoire bouffe clairement à tous les râteliers jusqu'à multiplier les clins d'oeil référentiels au cinéma, à la littérature et à la culture populaire (King Kong, Terminator, Hellboy, Ghost Rider, Jack Skellington et même Boris Vian, beaucoup y passent à la moulinette). Mais ce qui surprend indéniablement le lecteur, c'est la splendeur des dessins apocalyptiques de Ledroit, un artiste à part dans le milieu de la BD et dont les planches stupéfiantes fourmillent d'éléments et de couleurs. Le dessinateur trouve en l'imagination dérangée de Mills le parfait réceptacle de ses visions hargneuses, gothiques et insensées. Les vampires côtoient ainsi pléthore de créatures plus ou moins inquiétantes, la plupart issues de la littérature fantastique et gothique ainsi que du cinéma de genre. Tous déambulent dans des cités sordides et intemporelles, à la croisée des mondes et des époques. Sous des cieux embrasés évoquant une certaine imagerie infernale, Résurrection exhale une atmosphère dark fantasy somptueuse, magnifiquement rehaussée par la large palette de couleurs appliquée par Ledroit (le tome 7 Le Couvent des Soeurs de Sang est en ce sens le plus remarquable).


A voir l'évolution que prendra ensuite l'intrigue dans les tomes suivants ce premier album, il devient pourtant évident que l'originalité du concept n'est finalement qu'un simple prétexte à faire cohabiter tout un bestiaire insensé (magnifié là encore par les dessins de Ledroit) dans un déluge de références réjouissantes. Là est peut-être le grand défaut du scénario qui semble parfois se contenter de suivre des sentiers balisés faute d'être réellement original. Mais si le scénario n'est pas toujours à la hauteur, l'histoire en elle-même par l'ampleur de son background et sa profusion de personnages tous aussi ambigus que surprenants, suffira à convaincre le lecteur le plus récalcitrant.


Ajoutez à ça un humour noir des plus réjouissant ainsi que des références populaires toutes plus savoureuses les unes que les autres et vous aurez là l'une des séries de bande-dessinées les plus singulières de notre époque. Rien que pour ça, Requiem, chevalier vampire s'impose comme une oeuvre à (re)découvrir et à apprécier, en sirotant un bon verre de rouge.

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le 11 sept. 2018

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Buddy_Noone

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