C'est une drôle d'histoire que j'ai à raconter aujourd'hui (et dont, presque pour sûr tout le monde se foutra). Ça commence comme ça : un jour j'ai la lubie de mettre les pieds dans une librairie japonaise, à Paris (le Book-off métro 4 septembre, pour ceux qui sont dans le coin, les autres, vous ne perdez pas au change, cette putain de ville est trop épuisante). Pour tout dire je cherchais un manga, jamais traduit dans aucune langue, qui m'avais marqué, ado, dans les pages d'un Shonen Jump. Le fameux Tottemo Luckyman ! (qui d'après certains serait peut-être l'oeuvre, sous un autre nom du/de la scénariste de Death Note), un truc avec de ces dessins... tapez donc le nom ci-dessus dans google image, vous verrez bien.
Loin de moi pourtant l'idée de refaire comme quand j'étais mioche et ramener des pavés que je serai bien incapable de lire, puisqu'évidemment je ne décrypte pas le japonais. Et ça c'est capital à savoir pour comprendre pleinement cette histoire, qui n'est en fait pas vraiment une critique, même si oui quand-même un peu. Ayant retrouvé mon camarade (dont j'avais en fait oublié le nom, hein), soulagé de le retrouver et de savoir qui il était, je me mets à faire le tour de la librairie. Pour voir.
Voilà que je tombe sur le rayon des "Wide", c'est-à-dire une sorte d'équivalent des digest américain : des gros pavés best-of et pas chers, imprimé sur un papier aussi merdique que les magazines jap. Mon regard est attiré par l'épaisse côte de l'un d'entre eux, où se dessinent de grosses têtes bêtasses. La couverture est pleine de ces grosses lettres roses, jaunes, oranges, un vrai trip explosif, propre aux japonais. Voilà-t-y pas que j'ouvre le livre et que bam ! ça s'agite et ça saute aux yeux. Là, s'anime ces drôles de petits personnages, aux expressions grossières et exagérées, tout ça servi par un trait fin, fourmillant de détails, et tout vibrant. Un peu comme si... heu... Jiro Taniguchi avait décidé de plutôt faire un nouveau Kimmengumi (le collège fou fou, en V.O.). Oui, carrément.
Sur un coup de tête et de coeur, je décide d'emporter le pavé avec moi (plus de 600 pages), me disant que tout ça avait l'air tellement expressif et visuel, que peut-être j'arriverais à le lire. Et étonnamment, j'ai réussi, sans connaitre le nom d'un seul des personnages, je me suis attaché à eux. Bon, à un moment, je me suis un peu aidé de quatre épisodes de l'animé, sous-titrés par une team locale (allez voir dans wat.tv), ce qui m'a légèrement éclairé... mais en gros, je me suis enfilé le pavé sans être capable de lire une seule bulle !
Après ça, j'étais in love, ou bien total junky, au choix, et j'ai dû aller en chercher d'autres. Sachez que ça prends de la place dans une bibliothèque. Mais voilà, peut-être est-ce une sorte de conjoncture : la taille des bouquins, le fait que les épisodes y soient republiés dans un désordre total, de devoir se plonger dedans uniquement grâce aux dessins et à l'action, mais ça m'a fait faire une sorte d'exercice mental particulier, comme si j'avais dans les mains tout un univers à déchiffrer, à remettre en ordre pour moi tout seul. Ça débordait et ça me fascinait (et me fascine encore).
Mais pour résumer : il s'agit d'une sorte de croisement entre Kimmengumi, Mes voisins les Yamada, du Jiro Taniguchi période L'Homme qui marche (au niveau qualité et finesse du trait), peut-être de Sin Chan aussi. Il y a plusieurs familles, des mioches avec des grosses têtes, de l'humour pipi-caca, des histoires profondément débiles, avec des successions de rebondissements grossiers et poussifs, avec une surenchère incroyable et un abus évident du running gag. Ça en sachant que la série a duré 31 volumes et qu'il y a eu une séquelle qui a dépassé les 25 volumes, ça fait de la formule usée à l'excès, je sais pas comment Kenji s'en sort à inventer encore de nouvelles histoires.
N'empêche, c'est étonnant : consciemment ou non, avec une BD complètement idiote, passe une sorte de message essentiel, qu'on pourrait résumer en citant ces bons vieux Chumbawamba, "I get knock down, but I get upe again, you'll never gonna keep me down". Parce que pas un seul des personnages n'y échappe, ils en prennent tous plein la gueule, dans des mésaventures épatantes de looose totale, de vies merdiques et d'échecs cuisants, sans cesse au mauvais endroit au mauvais moment, pas du tout armés pour affronter la vie et ses coups durs, et sacrément pas futés, mais peu importe, ils se relèvent toujours.
Comme s'il y avait dans le fond une sorte de contenu profondément métaphysique. Quelque chose qui trouverait écho en chacun de nous. Enfin, en tout cas en moi, ça l'a fait. Et le tout porté par une qualité narrative et graphique impressionnante pour un truc aussi idiot. En tout cas ça vaut le détour, au moins pour le maître d'école limite SDF (tandis que son ex-femme et sa fille vivent dans une espèce de villa proche du château), qui se rêve en Bruce Lee et possède l'équivalent de la force d'un asticot, ou encore ce mangaka raté (avec un béret, comme Osamu), incapable de dessiner une histoire sans qu'elle vire au gore, et ce, peu importe qu'il soit en train de faire un shojo romantique, ou un simple truc de foot. Et puis ces gosses, ces gosses, toujours la morve au nez, et ces expressions !! Non, vraiement, je m'en remets pas.
(La prochaine fois, je vous raconterai comment je suis devenu méga fan de SHEEP, le groupe qui fait l'opening de l'animé, encore une autre aventure !)
colville
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le 10 nov. 2010

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