Doctor Who
7.7
Doctor Who

Série BBC One (2005)

Voir la série

Un jour, sur les bancs de la fac, j'ai connu Éva. Passons sur X évènements dont vous vous fichez, mais disons que c'est elle qui m'a fait basculer dans la SF et m'a permis de redécouvrir une série que j'avais jusqu'alors en basse estime : Buffy the vampire slayer. Ça a son importance ici, et si vous êtes un peu patients, je vais vous expliquer pourquoi. Les curieux et les connaisseurs le savent, sous ses apparences kitchs, la série de Joss Whedon est épatante en grande partie grâce à : 1) les personnages secondaires, attachants et complexes psychologiquement, donc humains et sur qui repose presque tout ; 2) l'humour et l'auto-dérision constante qui permettent de contrebalancer tout* chaque fois qu'on pourrait tomber dans (au choix) le too much pathos, la presque vacuité des intrigues et fils rouges, le ridicule des méchants, des costumes en caoutchouc... ; 3) et surtout les métaphores sur l'adolescence, la vie, grandir... (cf. les critiques plus complètes de mes confrères sur le site)
Si je parle de tout ça, c'est que depuis, je place une grande confiance en Éva, en matière de série, et particulièrement quand il s'agit de SF et costumes en caoutchouc. Si bien que quand elle a commencé à me parler de Doctor Who avec engouement, je l'ai crue. Et j'ai fini par aller voir ça de moi-même. Tout de suite, il me faut corriger le tir : ma vraie note pour la série, c'est 7. J'ai mis celle-ci pour attirer les fans furieux. Je suis d'ailleurs en passe d'investir dans un omnibus de comics de la vieille série. Et oui, je suis ok avec tout le monde : David Tennant (qui s'est auto-surnommé comme ça en hommage à Neil Tennant des Pet Shop Boys !) est sacrément charismatique, tous ces voyages à travers le temps et l'espace c'est fichtrement prenant, les compagnes sont attachantes (je pleure à chaque fois qu'il y en a une qui part), l'accent anglais est top, et certains épisodes vaudraient à eux seuls qu'on mette un bon 11 à la série**, le TARDIS est un super vaisseau... etc, etc.
Mais, bordel de mes roubignoles, j'en ai soupé des "critiques" aussi pertinentes que "impossible de faire une critique de cette série tellement elle est parfaite en tous points". Déjà, s'il vous plaît, non, arrêtez de faire perdre du temps à tout le monde et d'envahir le web avec des déclarations qui servent à rien. Et merde, des arguments, des arguments, diantre !
Reprenons donc. Voici ce qui m'agace dans la nouvelle série du docteur : premièrement, soulignons la trame quasi systématique des épisodes. Puisque, peut-être un épisode sur deux, il s'agit de méchants aliens qui viennent prendre possession de la Terre et utiliser pernicieusement les malheureux êtres humains, en se cachant derrière une entreprise de grande envergure*** pour abuser tout le monde. Bien souvent, à la tête de ces vilains, il y a une mère, une matrice, une reine, qui pétrifie d'effroi les humains qui ont le malheur de l'apercevoir. Toujours aussi systématiquement, cette reine n'est pas montrée, cultivant un faux suspens flippant autour d'elle. Systématiquement, c'est une sorte de grosse masse informe, qui se trouve soit au plafond, soit dans un trou ou une crevasse. Quasiment systématiquement, ces vilains E.T. sont une armée, un groupe compact sans individus ni personnalité. Il y a ici, une sorte de volonté idéologique (mais caricaturale) pour démontrer la valeur des êtres humains, qui eux sont libres, et chacun unique.
Presque toujours aussi systématiquement, les endroits où les méchants aliens ont leurs quartiers, sont éclairés par un savant jeu de spots colorés, orange, vert, violet, rouge, bleu... comme si pour faire SF, il fallait à tout prix un éclairage fluo.
Soulignons aussi le pathos à violons qui dégouline toujours à la fin des double épisodes (et ce sans jamais l'auto-dérision qui sauvait Buffy). L'engouement tendancieux pour le "merveilleux docteur", qu'on nous rabâche plusieurs fois par épisodes. Ou encore la façon de souligner comme la vie réelle, avec ses factures, ses loyers à payer, et tout ça est bien merdique, alors que là haut, il y a les étoiles et l'aventure, wahou. Merci pour le téléspectateur qui demain ira au boulot à l'usine.
Autre chose : on a tendance à en avoir ras la casquette de la propagande pro-américaine inhérente à au moins la moitié des séries US. De ce constant patrio-centrisme de ces fichus ricains. Et si la série Doctor Who s'en moque, ils finissent par tomber dans le même travers. N'oublions pas que la série passe sur la BBC, que c'est grand public. Et hop, vas-y que je te fais, mine de rien, de la propagande pro-anglaise. Super, on a gagné au change.
Autre grande question, mais de taille : si le docteur voyage à travers le temps, qu'il a la possibilité de voir l'univers dans son entier, de sa création à sa fin, et de voyager partout, pourquoi, systématiquement, revient-il toujours au 20ème siècle londonien ? Pourquoi toujours une compagne humaine de notre époque, et du pays de ses premiers spectateurs ? Parce qu'il faut vendre, et que comme nous sommes des benêts, on se fichera du destin d'une fermière du moyen-âge de zurglon dans la galaxie glipstpaïenne. Pourquoi - et c'est valable pour la vieille série aussi - le docteur suit-il les modes vestimentaires collant avec l'époque de diffusion de la série (le coup du costume avec les baskets !) ? Un vrai maître du temps, sait que la mode est une absurdité sans nom. Ayant à l'esprit tout ce qui a existé et existera, il lui serait logiquement impossible de préférer quoique ce soit.
Dans ce même sens, je rappelle l'épisode sur la flamme olympique, soit-disant concentré d'amour et des grandes et belles valeurs de l'humanité. Give me a break, please. Autant parler de la coupe du monde de foot, pour la formidable représentation de l'esprit de combativité humain, qui va jusqu'au bout de ses rêves. Autant dire que Disney c'est des gentils et qu'heureusement qu'ils sont là pour défendre les vraies valeurs, telles que le courage et l'amitié !
En fait, ces quelques petites choses que je souligne amènent à une sorte d'idéologie contradictoire, sous-tendant la série entière et qui serait plus ou moins celle-ci : la vie sur Terre est un peu moisie, gardons le regard vers les étoiles, ayons des rêves (le rêve, c'est l'argument nº1 du marketing), voyons plus loin ; mais finalement, l'être humain est bon, libre (la liberté et le choix c'est l'illusion nº1 cultivée par le marketing), et particulièrement, l'être humain contemporain est cool, et il a l'amour avec lui. C'est un mécanisme inhérent à la plupart des séries américaines mainstream. Une sorte de gros marshmallow étouffant, qui fait semblant de défendre des valeurs (consensuelles et/ou démagogiques), en s'assurant que tu restes assis à ta place, devant ta télé, avec ton moment d'évasion, qui te ramène confortablement chez toi, au final.
Et Doctor Who, peut-être même sans que ça soit calculé, fait tout ça. Alors, ok, c'est amusant et tout et tout. Mais zut, arrêtez un peu de crier au génie pour un truc qui huit fois sur dix est finalement assez convenu. Et qui, en outre est loin d'avoir pour lui les bons points qui faisaient qu'on excusait les monstres en caoutchouc de Buffy.

PS : Éva, je t'aime toujours, hein. :)


- - - - - -
* Pour les littéraires, j'appelle ça le "Flaubert-mood", c.f. cette chère Madame Bovary qui exploitait déjà ce ressort comique.
** Alors que je suis au milieu de la saison 4, j'en décompte cependant seulement trois : "The girl in the fireplace", "Love and Monsters" et "Blink". Un de ces quatre je développerai dessus, promis.
*** Ceux qui auront eu la curiosité de se taper The Sarah Jane Adventures sauront d'ailleurs que ce spin-of fonctionne exactement pareil.
colville
6
Écrit par

Créée

le 27 févr. 2011

Critique lue 3.9K fois

65 j'aime

102 commentaires

colville

Écrit par

Critique lue 3.9K fois

65
102

D'autres avis sur Doctor Who

Doctor Who
Hypérion
9

Doctor WTF (Wouhaou That's Fabulous)

Doctor Who est sans conteste la meilleure série dans son genre toutes époques confondues. Pour être tout à fait honnête il faudrait préciser qu'elle est la seule dans son genre, mais ça n'amoindrit...

le 24 juin 2013

215 j'aime

37

Doctor Who
Architrave
9

Paradoxes.

[critique sans spoilers] J’ai commencé il n’y a pas si longtemps. Je me considère comme un énorme fan, mais quelque part je me sens indigne. J’ai l’impression de ne pas avoir encore accompli tout ce...

le 14 déc. 2013

108 j'aime

18

Doctor Who
Strangelove
9

Timelord Victorious

Je pense qu'il me faudrait des heures et des heures pour tout analyser, tout regarder en détail ce qui compose cette série et ce qui la rend si géniale, tant l'univers est dense et travaillé. Ça...

le 9 nov. 2022

92 j'aime

32

Du même critique

Doctor Who
colville
6

la faute à Éva

Un jour, sur les bancs de la fac, j'ai connu Éva. Passons sur X évènements dont vous vous fichez, mais disons que c'est elle qui m'a fait basculer dans la SF et m'a permis de redécouvrir une série...

le 27 févr. 2011

65 j'aime

102

Equilibrium
colville
1

deux poids deux mesures

Bon tout le monde l'a déjà dit, mais ça me démange. Je sais pas bien ce qui a pris à Kurt, enfin, peut-être plus ou moins. Il avait un message à faire passer, un truc beau et profond sur la nature...

le 22 nov. 2010

34 j'aime

86

Sliders : Les Mondes parallèles
colville
1

Propagande !

J'avais un bon souvenir de cette série, que -comme presque tout le monde- j'ai vu et kiffé ado. Ces derniers temps, j'ai eu une envie soudaine de revoir tout ça. Oh bonheur : si l'on excepte des...

le 15 oct. 2010

31 j'aime

17