Les éditions Revival, récentes arrivées dans l’édition de la bande dessinée, font un excellent travail dans l’édition de jeunes talents mais aussi dans la redécouverte d’auteurs phares mais un peu oubliés. Leur édition de Cons de fées de Wallace Wood est d’ailleurs l’une des belles surprises de l’année 2020, on y reviendra.
Dans leur catalogue, leur remise en avant de Massimo Mattioli témoigne d’une ambition évidente. L’auteur italien, mort en 2019, a été oublié en France, alors qu’il a signé des œuvres ou a été traduit pour des revues aussi éloignées que Pif Gadget ou L’Écho des savanes (mais avec quel génie à chaque fois) et qu’il a été réédité timidement dans les années 2000 par le prestigieux éditeur L’Association.
Si toute la diversité de son œuvre n’est pas encore pleinement connue, Mattioli est notamment connu pour ses bandes dessinées pour la jeunesse assez poétique mais aussi, assez ironiquement, pour sa relecture cinglée et violente de la pop culture américaine. C’est le cas de Squeak the Mouse réedité chez Revival, relecture outrancière de Tom et Jerry, ou de Superwest, édité en 1986, pas encore ressorti (ça ne saurait tarder).
Avec Superwest, la cible est bien entendu la figure du super-héros, Superman en tête. Ce Superwest a tête de fouine est le héros d’un monde complètement farfelu, où le décor cartoon est utilisé pour des histoires folles et un peu déviantes. Où notre super-héros doit affronter une rue de sables mouvants, puis élucider un meurtre sanglant causé par un compagnon pornocrate, et aussi des saucisses loup-garous avides de sang dans le lot.
Notre bon héros sauvera la mise, parfois en sera le dindon de la farce. Les histoires ne manquent pas d’idées folles, le plus souvent surprenantes et amusantes, parfois un peu paresseuses, même si pour l’époque, les épisodes les plus provocateurs ont dû faire leur effet. Certaines cases sont sanglantes, la nudité n’est pas cachée, et pourtant le tout est enveloppé avec un dessin faussement naïf.
On y retrouve le trait rond et joyeux de Mattioli, dont l’innocence rappelle les vieux court-métrages de Disney et de ses concurrents américains. Le caleçon rouge du protagoniste est évidemment piqué à Mickey, tandis que Riri, Fifi, Loulou, les trois petits cochons et même Woody Woodpecker s’invitent dans les pages. Les emprunts graphiques sont évidents, mais l’auteur innove pourtant par petites touches, témoignant de son envie de s’amuser avec les codes.
Le premier épisode est ainsi écrit en anglais, sous-titré en français, une idée abandonnée pour les épisodes suivants. La colorisation change, toujours assez naïve, mais si dans le premier segment elle recouvre presque entièrement les cases, avant d’évoluer selon les épisodes. La dernière partie est d’ailleurs composée au format horizontal, comme un strip, ce qui ne facilite pas la lecture dans un tel album au format franco-belge puisqu’il faut lire la première ligne de la première page à la dernière page puis revenir à la première pour lire la deuxième ligne et ainsi de suite.
Avec Superwest, Mattioli semble s’amuser avec les icônes, avec un certain mauvais esprit et un brin de provocation qui m’a rappelé Winshluss, et notamment son (génial) Super Negra. Le tout est cinglé, mais parfois un peu creux. La quarantaine de pages se lit d’ailleurs très vite, avec de grandes cases, peu de textes, mais se relira d’autant mieux, pour une bonne piqûre de ces cartoons outranciers à la sauce Mattioli.