J'entendis parler des ABC Warriors pour la première fois il y a une vingtaine d'années, à l'occasion de la sortie en album de leur seconde grande aventure, The Black Hole, chez Titan Books. Celle-ci fut d'ailleurs pour moi l'occasion d'admirer les premiers dessins en noir et blanc de Simon Bisley dont je regrette qu'il ne soit pas présent au sommaire de ce volume tant son appropriation des ABC Warriors a pu me marquer... Mais il n'y a aucune raison de se plaindre pour autant puisqu'on a en contrepartie les travaux d'artistes de renom tels que Brett Ewins – alors à ses débuts –, Kevin O'Neill ou Mike McMahon, parmi d'autres.

Cette succession de pattes graphiques différentes, d'ailleurs, si elle produit un effet assez déstabilisant tout au long du volume, est aussi une belle occasion d'exprimer les diverses facettes des différents protagonistes. Car les ABC Warriors ne sont pas de simples robots : ils ont chacun leur propre personnalité, même si elle reste artificielle car programmée, et s'ils se montrent des guerriers implacables, ils savent aussi montrer une certaine humanité – envers les leurs au moins. C'est d'ailleurs ce qui mènera Hammer-Stein à se voir choisi par cet officier mystérieux pour cette mission d'envergure exceptionnelle...

Par la suite, nous pourrons voir que ces guerriers de fer et de silice portent tous leurs cicatrices. Il en va ainsi de tous les soldats après tout. Car sans un minimum de sensibilité, il leur devient difficile d'épargner les civils, même ceux du camp adverse, ce qui n'arrange pas le travail des divers cabinets des relations publiques avec les journalistes et les associations pacifistes, et donc le public, c'est-à-dire les électeurs... Voilà pourquoi les concepteurs de ces machines durent longtemps jongler avec de nombreux paramètres avant d'accoucher enfin d'unités capables de faire leur boulot sans trop de casse. Ou du moins qui ne se voit pas trop.

De sorte que si la partie « récit de guerre » s'avère en fin de compte assez vite expédiée, elle demeure néanmoins présente tout le long de l'album, au moins en filigrane : c'est cette Guerre Volgane qui a fait des ABC Warriors ce qu'ils sont, et c'est bien ce qu'ils ont appris au cours de ces années de fureur et de sang qu'ils devront mettre en pratique pour satisfaire les exigences de leur supérieur. The Meknificent Seven, nous entraîne ainsi dans une aventure à la croisée de classiques comme Les Douze Salopards (The Dirty Dozen, Robert Aldrich ; 1967) et Les Sept Mercenaires (The Magnificent Seven, John Sturges ; 1960).

Mais il s'agit surtout d'une production 2000 AD, et qui plus est une production des débuts de ce magazine depuis devenu culte. On y trouve donc toute la spontanéité et la force de caractère qui ont fait le succès de l'hebdomadaire, à la fois en Angleterre et dans le reste du monde : les thèmes s'y mélangent ; les clins d'œil et autres allusions à des séries classiques du magazine s'y bousculent ; l'action, l'humour et les émotions s'y entrecroisent. Et le cocktail se montre vite décapant à force de repousser les limites des convenances de l'époque sur le média de la BD, de tirer sur cette corde qui semble sans fin d'une espèce de postmodernisme avant l'heure.

Pourtant, cette recette ne montre rien de vraiment nouveau puisqu'elle est typique de ces comics qui semblent ne pas pouvoir s'empêcher de bâtir des multivers – du moins pour ceux d'entre eux qui se réclament des genres de l'imaginaire. De sorte que The Meknificent Seven tire une partie non négligeable de sa force du sentiment qu'il distille chez le lecteur de faire partie d'un tout bien plus vaste que ce qu'il en montre : ainsi, le récit acquiert vite cette dimension épique caractéristique des œuvres qui tout en se suffisant à elles-mêmes se dressent néanmoins sur d'autres pour atteindre des sommets inégalables autrement.

Ce qui d'ailleurs convient très bien à ces guerriers ABC où, justement, cet acronyme signifie précisément « Atomique, Bactériologique, Chimique » : c'est en fait la liste de tous les types d'armes auxquelles ils sont immunisés, ce qui implique donc de les combattre à distance réduite – à l'ancienne donc : c'est la garantie d'un récit viril après tout.

Et puis c'est encore dans les vieilles marmites qu'on fait les meilleures soupes...
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le 8 mai 2011

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