Tarek et Vincent Pompetti proposent ici, comme ils l’ont fait pour le premier tome, une lecture de la Guerre des Gaules qui s’appuie sur une documentation historique mise à jour, tout en précisant prudemment qu’il s’agit d’une « libre adaptation » : les auteurs précisent ainsi utilement – et, finalement, très modestement – le statut de leur ouvrage. Adapter La Guerre des Gaules en bande dessinée n’est pas une nouveauté et pose en effet un problème majeur dans la mesure où on ne dispose que d’une source de première main : les commentaires de Jules César, rédigés pendant qu’il menait cette guerre, puis publiés à Rome, pour sa propre gloire et sa propagande, dès la fin de son proconsulat en Gaule. L’historiographie sur la Guerre des Gaules a alors bien souvent été accaparée par les idéologues du « roman national », prompts à inventer des racines profondes et à trouver à l’histoire de « la France » une continuité plusieurs fois millénaire, avant que l’archéologie récente ne vienne complexifier le mythe de « nos ancêtres les gaulois ». Récemment encore, certains se sont assez peu souciés de ces élémentaires précautions méthodologiques. Les écrits de César servent donc de cadre historique à cette adaptation, sur laquelle se greffent une historiographie plus récente, ainsi que des mythes, légendes et histoires personnelles.

Après avoir évoqué l’amitié entre Vercingétorix et César dans le tome I, Vincent Pompetti et Tarek présentent ici comment la situation entre les deux hommes se transforme en un affrontement brutal pour la domination de la Gaule, en développant particulièrement certaines phases de la guerre : les campagnes en Gaules (rappelant fort à propos que la Gaule ne se réduit pas à une vision grossière réduite à l’actuelle France), Germanie, et Bretagne, de 57 à 53, avant la bataille de Gergovie et le siège d’Alésia, base du triomphe de César en 46.

En dépit de quelques revers (notamment face aux Germains), Jules César parvient à impressionner Rome, d’où il repart en 54 pour retourner en Gaule, où quelques peuples s’opposent à ses méthodes (les Éburons, les Carnutes, les Trévires, les Sénons...). Le massacre de tous les citoyens romains de Cenabum (Orléans) marque le début d’une coalition hostile à Rome en Gaule, menée par Vercingétorix, chef des Arvernes, à laquelle se joignent Parisii, Pictons, Cadurques, Turones, Aulerques, Lémovices, Andes. César contre-attaque directement en Gaule, en reprenant Avaricum, et provisoirement Noviodunum (Nevers), pendant que Titus Labienus marche sur Lutèce, Agedincum (Sens) et Metlosedum (Melun). Toujours plus soutenu, Vercingétorix est vainqueur à Gergovie, avant qu’il ne doive se démettre, piégé dans l’oppidum d’Alésia, en 52. Le chef Arverne se sacrifie en s’agenouillant au pied du vainqueur, évitant un dernier massacre. La plupart des guerriers gaulois (hormis les Éduens et les Arvernes) sont réduits en esclavage et distribués aux légionnaires. La guerre s’achève ici pour Vercingétorix, tandis que Rome et Jules César continuent d’étendre leur puissance.

Les auteurs relatent les stratégies militaires (la politique de la terre brûlée de Vercingétorix, ou sa volonté de détruire tous les convois de ravitaillement destinés aux légions romaines) et les arrangements et rivalités politiques (César joue en parallèle sa réputation à Rome, où ses partisans et adversaires s’affrontent au Sénat, sur fond de rivalité avec Pompée ; le rôle des espions et des messagers, notamment l’envoyée de Vercingétorix, Éponine, Éduenne qui cherche à venger son père ou Caïus Fabius, allié de César ; la versatilité des alliances). Comme dans le premier tome, on se perd parfois entre tous les peuples évoqués, ce que ce passage de La Guerre des Gaules à propos des peuples présents à Alésia illustre parfaitement :

« Les Éduens, avec leurs clients les Ségusiaves, les Ambivarètes, les Aulerques Brannovices, les Blannovii, trente-cinq mille hommes ; les Arvernes avec les peuples de leur ressort, tels que les Eleutètes, les Cadurques, les Gabales, et les Vellavii, un pareil nombre ; les Sénons, les Séquanes, les Bituriges, les Santons, les Rutènes, les Carnutes, chacun douze mille ; [...] ; les Lémovices, autant ; les Pictons, les Turones, les Parisii, les Helvètes, huit mille chacun ; les Ambiens, les Médiomatriques, les Pétrocores, les Nerviens, les Morins, les Nitiobroges, chacun cinq mille ; les Aulerques Cénomans, autant ; les Atrebates, quatre mille ; les Véliocasses, les Lexoviens, les Aulerques Éburovices, chacun trois mille, les Rauraques avec les Boïens, mille ; vingt mille à l’ensemble des peuples situés le long de l’Océan, et que les Gaulois ont l’habitude d’appeler Armoricains, au nombre desquels sont les Coriosolites, les Redones, les Ambibarii, les Calètes, les Osismes, les Lémovices, les Unelles. Les Bellovaques [...] envoyèrent deux mille hommes » (Jules César, Guerre des Gaules, VII, 75).

Le scénario de Tarek, outre les descriptions, est écrit de telle sorte que la psychologie des personnages est valorisée. Sur le plan graphique, l’encre et la gouache offrent de très belles scènes.

On peut trouver une abondante documentation concernant la série (cartes, chronologies, illustrations) sur le site qui lui est consacré.
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le 13 mars 2014

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