La balise spoilers ne fonctionnant pas, lisez le premier tome avant de poursuivre.


J'avais à l'origine décidé de ne pas acheter "À l'image de Mona Lisa", malgré mon goût pour les éditions Akata et leur art d'importer en France des histoires d'amour nouvelles, dont les intérêts s'en retrouvent démultipliées par les questions sociales traitées à chacune de leurs séries. "Aromantic love story" fut un coup de cœur, bien que je n'aie rien trouvé à en dire pour l'instant (allez l'essayer).


Je suis passé devant par hasard une fois, deux fois, trois fois. Malheureusement, lorsque le tome 2 sorti il y a à peine deux mois se retrouve à prix dérisoire dans la librairie d'occasion où j'ai mes habitudes dans ma ville natale malgré que je n'y suis plus que deux fois l'an, il y a un moment où il faut cesser de faire sa tête de mule face aux événements qui s'acharnent à vous taper sur le haut du crâne.


Ceux qui ont lu ma critique de "Kuzu no honkai", ou "Scum's Wish" en anglais, sauront que j'adooooore les histoires d'amour malsaines à plusieurs protagonistes. Ils se souviendront également à quel point j'ai déploré que le résumé ne chatouille même pas la surface de l'iceberg.


"À l'image de Mona Lisa" suit ce chemin, pour mon plus grand intérêt.


La critique qui suit est écrite par un parfait cishet malgré que ce livre traite de non-binarité et de choix de genre, comme le dit le résumé du premier tome. Mais également des normes sociales imposées, aussi curieux cela soit-il pour un univers où le genre se choisit volontairement dès les premiers signes de puberté.


Je ne sais pas par où commencer puisqu'en un seul tome, ce sont trois bombes scénaristiques qui nous sont livrées par l'autrice au travers de multiples sujets. Identité de genre ; triangle amoureux ; aromantisme ; agenrisme ; violences médicales (J'ai vraiment cru qu'Azusa voulait lui aussi se faire Hisane... J'espère qu'il ne veut pas se faire Hisane), à moins qu'Azusa ne souhaite sauver Hisane en le poussant dans les bras de Shiori, sauvant ainsi Hisane du "Syndrome de Mona Lisa".


Un point tout particulier : le viol, en raison de la compétition entre Shiori et Ritsu, tous deux ignorant les volontés de Hisane quant au choix de son genre et de celui ou celle qu'iel décidera d'aimer, et souhaitant à tout prix rester hétérosexuels (Qu'on se le dise : "Ton évolution physique répondra à ma déclaration d'amour" n'est qu'un "tu as joui, donc tu as aimé").


Quant au "Même si tu as l'impression que ton corps se transforme en dépit de ta volonté, c'est peut-être simplement parce qu'il agit en accord avec une partie de toi-même dont tu n'as encore conscience", n'est-ce pas une négation de la transidentité ? J'espère que les prochains tomes nous en apprendrons davantage sur la tolérance vis-à-vis de cette question. Le choix lors des douze ans semble pour le moment immuable, irréversible. Bête intolérance, ou bien le syndrome de Mona Lisa empêche-t-il toute transition médicale, même partielle ? Cet univers, ses codes, sa sociologie, méritent d'être davantage explorés.


Un tome, trois bombes, et des dilemmes parfaitement cohérents avec l'univers. Fut un moment ou je me suis demandé si l'indolence (euphémisme) de Shiori et Ritsu n'était pas incompatible avec l'idée de choisir son genre aussi naturellement...Avant de me souvenir que genre et sexualité sont deux choses bien distinctes.


J'ai beaucoup plus de mal de parler de Hisane, à cause de sa passivité, de sa satisfaction vis-a-vis de sa non-binarité. Dans ce premier tome, Hisane n'est que sujet, pas acteurice, pas même de ses décisions post-déclarations d'amour. "À l'image de Mona Lisa", car comme avec lea modèle du célèbre tableau, Shiori et Katsu ne veulent voir que ce qu'ils veulent voir. Le genre d'Hisane semble faire débat pour Azusa, ne le fait pas pour les deux amoureux par projection de leurs désirs, mais ce débat échappe à lea protagoniste, car iel ne se pose même pas la question. Hisane ne voit plus de problème avec sa non-binarité, ses craintes de voir ses deux ami.e.s de toujours se sont éloignées, ce qui ne signifie pas qu'il ne remarque pas de différences entre les trois genres. Fille, garçon, et ellui. L'évolution d'Hisane est une raison de plus pour continuer à suivre ce manga, entre probables interrogations et nécessité de s'affirmer, quelles qu'en soient les conséquences.


Une des composantes de tout drame est l'immuabilité dans les attitudes et les volontés des personnages. J'ai souvent lu des personnes queers se plaindre que tout drame incluant des personnages queers soit rempli de tristesse. Dans "À l'image de Mona Lisa", il est ironique de constater que cette tristesse n'atteint pas Hisane, qu'il n'aie pas conscience de l'épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Si vous aimez les drames, vous serez servi.


Dessin soigné, expressions faciales intenses (en particulier celles de Hisane, que ce soit sa peur ou son indifférence, qu'elle soit sincère ou feinte), cases en miroirs laissant présager les évènements futurs avec la même peur et la même certitude qu'un film d'horreur. Dialogues fluides et naturels, mention spéciale au "Comment j'ai la dalle !" qui me restera longtemps en mémoire. Je suppose que traduire les quelques passages de jargon scientifique condensé en quelques bulles de dialogues seulement ne fut pas facile.


Difficile de rendre honneur à l’œuvre lorsqu'on la débute tout juste. Ce premier tome m'a autant prit aux tripes que le premier épisode de "Kuzu no Honkai", qualité indispensable pour retenir mon attention. Franc et direct, je ne peux que vous en conseiller la lecture. C'est une série que je suivrai avec attention tout au long des dix tomes prévus, le manga étant conclu au Japon depuis le 12 décembre 2022.

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le 17 avr. 2023

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