Avec Amertume Apache, Joann Sfar et Christophe Blain osent dépoussiérer la légende Blueberry, mais attention : si vous espérez un pur western au whisky sec, préparez-vous à trinquer avec un cocktail plus sucré qu’amère. Entre hommage assumé et prise de liberté narrative, cet album se joue des codes du genre, mais pas toujours avec la finesse d’un duel à l’aube.
Dès les premières pages, Sfar et Blain semblent avoir décidé d’ajouter leur grain de folie dans le désert. Exit l’austérité de l’original : ici, le Lieutenant Blueberry traîne son charisme entre dialogues plus bavards qu’un saloon un soir de poker et une intrigue qui, parfois, donne l’impression de galoper en cercle. Si le ton se veut plus léger et ironique, l’humour tombe parfois à plat, comme une cartouche mal tirée.
Les dessins de Blain, eux, offrent une vision singulière de l’univers Blueberry. Moins précis que le trait légendaire de Giraud, ils apportent une patte plus cartoon, plus nerveuse, qui donne un souffle différent à cette aventure. Mais cette réinvention graphique ne fera pas l’unanimité : c’est un peu comme si on servait un burger dans un resto étoilé – certains adorent, d’autres réclament un steak plus classique.
Quant au scénario, Sfar propose une intrigue qui navigue entre quête personnelle et tensions avec les Apaches, mais le fil narratif se perd parfois dans des dialogues à rallonge et des digressions qui étirent l’histoire sans la densifier. Les dilemmes de Blueberry manquent un peu de mordant, et on reste sur notre faim en matière d’émotions et d’enjeux.
En conclusion, Amertume Apache est une relecture qui a le mérite de tenter l’innovation, mais qui trébuche parfois sur ses propres ambitions. C’est un western qui veut troquer son vieux revolver contre un pistolet laser, mais dont le tir manque de précision. À déguster si vous aimez les expérimentations et les clins d’œil modernes, mais les puristes risquent de regretter le goût plus authentique des aventures classiques de Blueberry.