Cet album de bande-dessinée est aussi noir que le trou du cul du black dont le titre est issu (ce qui fait un peu penser à l'expression "il fait aussi noir que dans le trou du cul d'un nègre ici!"). Mais surtout, que les âmes sensibles ne se méprennent pas dans mon discours ci-présent, que l'humour noir prédomine avant tout. Que personne ne voit là quelques propos raciste là-dedans, il fait fausse route.

Très « noir » et sans mauvais jeux de mot de ma part, une « histoire d’esclavage » est raconté à travers le style immédiatement reconnaissable de Brüno. Le trait est étrangement « épais », à l’image du héros. Dessin proche de celui du « Théodore Poussin » de Frank Le Gall (à mon sens), Brüno nous propose, avec l’aide de son camarade Fabien Nur, scénariste, une histoire « modèle », classique, racontant de manière romancée, et comme l’indique bien son titre, « le destin » de l’esclave qu’est "Gull", véritable colosse aux pieds d’argile, taureau black immense, fait de sueur, de cicatrices et sévices en tous genres, dans la lignée d’un "John Caffey" (Michael Clarke Duncan dans « La ligne verte » de Frank Darabont). Il en impose, et il ne faut pas lui marcher sur les pieds si on ne veut pas s’en prendre "plein la Gull".

Le scénario de Nury est bien ficelé, habile. Tel un "The Places Beyond The Pines", on nous montre dans une première partie un capitaine de négrier jouflu, plutôt sympathique, pour finalement prendre le parti d'un pirate qui prend le contrôle du navire. L'histoire est donc fallacieuse, et nous emmène dans des contrées que nous n'aurions pas soupçonnées. Une deuxième partie, "la plantation", présente la dite exploitation d'un riche bourgeois. C'est alors vers lui que l'on se tourne, pour finalement s'orienter pour de bon vers Atar Gull et la vendeta qui l'anime. Le titre aussi est trompeur : on s'imagine une histoire de racisme et d'esclavage assez classique, dans la lignée des "Passagers Du Vent" de Bourgeon. Même si ces thèmes sont présents, avec quelques données historiques véridiques à la clé sur le "bois d'ébène", ce ne sont là que le décor dans lequel le pion majeur qu'est Gull avance péniblement.

Derrière la façade de folie meurtrière du géant noir au visage griffé et au regard vitreux, se cache un homme ambigu, plus complexe et subtil qu'il n'y paraît, comme le dit bien l'épilogue, et plus encore, l'ultime case de la dernière planche de cette oeuvre.
ErrolGardner
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 4 mai 2013

Modifiée

le 18 juin 2013

Critique lue 577 fois

5 j'aime

Errol 'Gardner

Écrit par

Critique lue 577 fois

5

D'autres avis sur Atar Gull ou le Destin d'un esclave modèle

Atar Gull ou le Destin d'un esclave modèle
belzaran
8

Critique de Atar Gull ou le Destin d'un esclave modèle par belzaran

J'ai eu le plaisir que l'on m'offre dernièrement la bande-dessinée « Atar Gull, ou le destin d'un esclave modèle ». Non seulement le scénario est tenu par Fabien Nury, qui m'a déjà convaincu avec ses...

le 18 janv. 2012

5 j'aime

Atar Gull ou le Destin d'un esclave modèle
jerome60
8

Critique de Atar Gull ou le Destin d'un esclave modèle par jerome60

Atar Gull est le fils du roi de la tribu des Petits Namaquas. Enlevé par ses ennemis jurés les Grands Namaquas, il est vendu à un négrier et embarque pour la Jamaïque. En cours de route, le bateau...

le 28 oct. 2011

5 j'aime

Du même critique

Vieux frères, partie 1
ErrolGardner
2

Faux frères.

Encore de faux génies accouchant d’un album foutraque à la fusion multi-genres repoussante (rap, slam, chanson française et rock), qui témoigne de la difficulté du moment des artistes français à...

le 10 mars 2014

54 j'aime

6

Rubber
ErrolGardner
7

Rubber Soul.

Il faut l’avouer, « Rubber », c’est n’importe quoi : une voiture heurte volontairement des chaises, qui se cassent comme des châteaux de cartes. Et du coffre de cette voiture sort un flic. Le...

le 25 mai 2013

47 j'aime

6

Délivrance
ErrolGardner
10

Voyage au bout de l'enfer vert.

Quatre garçons dans le vent s'en vont pagayer sur une rivière et jouer aux trappeurs chevronnés. Armés d'arcs, ils chassent, campent et bivouaquent. Lors d'une énième sortie sur la rivière, l'un des...

le 18 févr. 2013

42 j'aime

7