Bakuman
7.2
Bakuman

Manga de Tsugumi Ōba et Takeshi Obata (2008)

Le manga sur des mangakas qui créent des manga...

[Attention, cette critique emploie énormément le mot "manga", et ce dans un but purement informatif et non car l'auteur a la flemme de chercher d'autres mots ou s'en fout de se répéter, nous vous prions de nous en excuser]


Tous juste sortis du hyper hypé (lol) Death Note, Takeshi Obata et Tsugumi Ohba nous reviennent cette fois-ci avec un manga... sur les mangas.... Enfin, non, pas tout à fait : Un manga sur des mangakas qui créent des mangas... Bon, fais pas chier, ça parle de mangas, voilà !


Mais pour développer un peu plus, voilà le pitch de départ : C'est l'histoire de Mashiro, jeune lycéen banal qui considère que la vie, c'est de la merde, et qui ne veut rien faire de grand dans sa vie, et pour couronner le tout, il est secrètement amoureux de la fille la plus mignonne de sa classe, Miho (sans dec', cette fille est trop kawai ^^), alors qu'il a dû lui parler 3 fois maximum dans toute sa vie... Déjà, ça commence mal... Mais il est un jour sauvé des méandres abyssales et infiniment profondes de sa vie de merde par l'autre protagoniste de l'histoire : Takagi. Le jeune homme ayant par hasard détecté un inestimable talent pour le dessin chez Mashiro, il lui propose de s'associer avec lui pour devenir mangakas, en associant le dessin de Mashiro et les scenarios de Takagi. Mashiro accepte finalement, et au court de son 4eme dialogue de sa vie avec Miho, lui promet qu'ils ne pourront se revoir et se marieront (Oui, parce qu'en fait Miho était amoureuse de Mashiro depuis toujours... Faites pas chier, c'est pas moi qui écris le scenario !) lorsque l'un comme l'autre ils auront accomplis leurs rêves, à savoir devenir un mangaka célèbre pour Mashiro, et devenir seiyu (= comédienne de doublage) et faire la voix du perso féminin principal de l'animé adapté d'un manga à succès de Mashiro et Takagi pour Miho... Comment ça, c'est culcul, gnangnan, et vachement trop niais ? Ouais, ok, je sais, mais j'y peux rien, moi !
Bref; nous suivrons ainsi la progression de Mashiro et Takagi dans le monde de la création du manga.


Ce manga est surprenament vachement cool. Si un jour on m'avait dit qu'il pouvait exister un shonen de type nekketsu sur des mangakas, je crois bien que j'me serais marré. Et pourtant, force est de constater que ce milieu est au contraire particulièrement bien adapté à une histoire de shonen ! Dans l’élaboration d'un manga, y'a tout : l'entrainement, le mentor, la compétition, les rivaux, le pouvoir de l'amitié, les tournois,... Bref, mis à part la baston, l'industrie des mangas a toutes les cartes en main pour devenir un shonen.


Ce manga nous permet d'observer de très très près le développement, d'abord théorique, puis mis en pratique d'un manga. Le système éditorial japonais est à des années-lumière de celui de chez nous. Parce qu'en France, quand tu veux faire de la BD, tu présente ton idée à ton éditeur, si celui-ci trouve l'idée vendeuse, il te donnera 1 an pour réaliser chaque album de ta série, à moins que tu bosse dans un magazine de BD, genre le journal de Spirou, Lanfeust Mag, etc... Où là, tu dois fournir une douzaine de planches par mois. Et là, si t'es en train de te dire "Ouah, mais c'est trop mega dur, comment ils en chient, les dessinateurs francais..." , j'ai envie de te dire : PAYS...DE...FIOTTES !!!
Ici, on est au Japon, le manga a beau être un art, un vrai (malgré tout ce que les détracteurs peuvent en dire), comme pour toutes les formes d'art, ça reste une industrie ! Un manga est, avant d'être publié en tome relié, pré-publié dans un magazine de mangas, à raison d'1 chapitre de 20/25 pages par semaines ! Et pour en rajouter une couche, il existe un système de classement établis directement par les lecteurs chaque semaine pour voter pour les meilleurs mangas en cours, que ce soit des one-shot de 80 pages ou de vrais mangas, et tous ceux qui se retrouvent en dessous des 15 premiers sont en général poussés bien gentiment vers la sortie...
C'est un système vachement élitiste, seuls les plus talentueux ou les plus acharnés s'en sortent, même les héros ne sont pas à l’abri de l’échec, le seul avantage étant que contrairement à un manga de baston, ici l’échec n'est pas synonyme de mort. De même, j’évoquais la rivalité entre les différents mangakas, élément très présent dans le manga, mais içi, ils sont à la fois rivaux et amis ! Même si l'un devient plus populaire que l'autre, ça ne les empêche pas de rester amis, loin de là, ils en arrivent même à se soutenir les uns les autres en cas de coups durs; au final, c'est comme regarder une bande de potes faisant une partie de Call Of Duty (oui, ok, je fais un peu dans le cliché pour le coup...) tous réunis autour d'une console dans le salon : Même si l'un perd, peu importe, l'amitié reste !


On sent bien que Obata et Ohba se sont en grande partie inspirés de leur propre experience en tant que mangakas pour créer Bakuman : déjà, les 2 protagonistes agissent de concert pour creer un manga, à la fois une référence à eux-même et également mise en avant d'un de leurs gimmicks (le gimmick, c'est un code scénaristique ou visuel ou un thème employé par un auteur dans la plupart de ses œuvres) récurrents, c'est à dire le duo de persos qui défoncent ensemble un ennemi commun (dans Death Note, c’était Near et Mello, dans Hikaru no Go, c’était Hikaru et son pote le fantôme, dans Blue Dragon : Ral Ω Grad, c'était Ral et son kage Grad, même dans All you Need is Kill version manga (même si Obata a juste fait les dessins, le scenario étant une adaptation d'un light novel), c’était Keiji et Rita, etc...). Ensuite, la dernière partie du manga, traitant du souhait des auteurs d’arrêter leur manga lorsque eux, et non leur éditeur, l'ont décide, c'est évidemment une référence à Death Note, où les gars ont, à cause de la pression des éditeurs, du prolonger la série sur 5 tomes alors qu'ils souhaitaient s’arrêter avant . Enfin, ils glissent quelques petites pichenettes à leur propre public, en parlant du fan-boyisme de certains qui les amènent à se plaindre pour rien quand ils se sentent contrariés (et on peut dire qu'ils arrivent à taper juste, quelque part !).
Ce petit coté "œuvre personnelle" rend les situations plus convaincantes et renforce leur impact sur le lecteur, puisqu'on se dit que si ça a pu leur arriver à eux, ça a pu arriver à n'importe quel autre mangaka !


Les autres persos ne sont pas en reste, tous les autres mangakas ont leur propre personnalité et surtout leur propre histoire qui leur est dédiée, chacun a voix au chapitre et permet de raconter quelque chose intéressant vis-à-vis de la profession de mangaka. Niveau auteur, ça va du génie de 16 ans à fond dans son travail mais excentrique à la donzelle un peu tsundere auteure de shojo en passant par le comique surexcité aux scénarios ultra-violents. Un large éventail de personnages pour observer tous les aspects du manga.


Bakuman traite également, de manière générale, de la façon de créer un manga vendeur, et cela passe par quelque chose de simple : donner au lecteur ce qu'il lui plait, tel les sabres ou les boobs. La question devient alors : Ai-je envie de faire un manga qui cartonne à l'aide de codes pré-calibrés pour marcher (Hein, Fairy Tail), ou vais-je essayer de créer une histoire géniale et intelligente qui prend pas les lecteurs pour des vaches à lait en prenant le risque de moins plaire au lecteur lambda qui a la flemme de réfléchir ? A d'autres moments, les héros souhaitent se frotter à de nouveaux genres de mangas, comme par exemple la comédie, mais là, la question devient : Ai-je la capacité et le talent nécessaire pour créer un manga d'un genre que je n'ai jamais essayé ?
Ouais, je sais, ça a l'air tout con, dit comme ça, mais dans un contexte de pré-publication de ses œuvres dans un magazine hebdomadaire dont on ignore si la semaine prochaine les lecteurs apprécieront encore ce que l'on a à leur proposer, j'peux vous assurer que ce genre de questions est vital dans le milieu des mangakas.


Bon, faiblesse évidente du manga, je pense l'avoir suffisamment explicité, la relation Mashiro-Miho, particulièrement niaise et incohérente. Le pire de cette relation, je pense, c'est le fait qu'à chaque fois qu'ils se croisent (oui parce qu'ils ont beau s'être promis de pas se revoir avant la concrétisation de leurs rêves, ça les empêche pas de se voir, à certains moments...) ils se répètent encore et encore qu'ils réaliseront leurs rêves et finiront ensemble pour toujours, bla bla bla... Venant des mecs, qui dans Death Note, nous avaient servi un héros qui se servait d'une fille amoureuse de lui pour arriver à ses fins alors qu'il en avait rien à foutre d'elle, je trouve cette "romance" un peu inattendue et saugrenue... D'un autre coté, le fait que Miho soit un perso, certes secondaire, mais tout de même central de l'histoire, nous permet d'entrevoir un peu le monde des seiyus, qui s’avère tout aussi cruel et élitiste que celui du manga, un soupçon de sexisme en plus.
Une autre faiblesse, à mon sens, est qu'on aborde beaucoup la façon de faire des mangas qui plaisent, mais en soi, les mangas créés, que ce soit ceux des héros ou des autres personnages, sont survolés, on parle beaucoup de leur histoire mais très peu de leur forme concrète; en gros, à quasiment aucun moment on ne verra à quoi ressemblent les planches des mangas créés. C'est un peu dommage pour un manga sur les mangas; même si je reconnait qu'être obligé de tout le temps dessiner des histoires sans rapport direct avec l'intrigue principal aurait pu finir par rendre l'histoire trop lourde pour les auteurs, mais c'est un peu dommage quand même.


Niveau dessins, rien à signaler, c'est du Obata, donc c'est du très bon taf.


Bref, Bakuman est pour moi une bonne surprise et un très bon manga, bien écrit, intelligent, et très instructif. Donc si vous ne connaissez pas encore, foncez, c'est de la bonne !

Arkeniax
8
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le 19 mai 2015

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Arkeniax

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