Toujours un plaisir

Bien que longue, la saga, ou plutôt la période No Man’s Land, est une réussite pour moi. Ce n’est pas un crossover à proprement parlé mais un véritable statu quo que les différents scénaristes des titres estampillés Batman ont mis en place. Et en rien de temps, ils ont réussi à nous dépeindre un Gotham bien différente, avec des habitants, des survivants bien différents de ceux que nous avions l’habitude de voir. Si l’unité graphique générale n’est pas forcément de mise, ce n’est pas le cas au niveau des scénarios, tout est raccord, et je prends un véritable plaisir, à chaque tome à suivre ces aventures inédites sous forme de guerre de territoires entre Batman, Gordon, le Pingouin et tous les autres !

Alors que de mystérieux « bienfaiteurs » font transiter armes et mercenaires vers Gotham, la cité dévastée est toujours en proie à une guerre des clans sans merci. Les combats clandestins se multiplient, le marché noir est plus florissant que jamais et les Bleus de Jim Gordon perdent leur chef quand celui-ci est capturé par Double-Face ! Un enlèvement qui pourrait également signifier la fin de son amitié avec Batman.
(Contient : Legends of the Dark Knight #123-125, Shadow of the Bat #91-93, Batman #571-572, Detective Comics #738-739, Robin #71-72, Batman Chronicles #18, Catwoman #75 et Azrael #59)

Et un nouveau personnage se rajoute à la petite fête dans les ruines de Gotham, puisque Bane débarque en ville, avec une idée bien précise en tête ! Mais alors que l’on pourrait s’attendre à ce qu’il vienne s’emparer de cette ville qui l’obsède tant, il semblerait, plutôt, que Bane n’agisse pour le compte de quelqu’un, et qu’il ne prépare le terrain. Mais que cela soit pour lui ou pour un autre, la violence de Bane, et le plaisir que cela lui procure, restent les mêmes.

Si la venue de Bane, est sans doute synonyme de changement pour Gotham et cet honteux No Man’s Land, cela ne nous est que suggéré pour le moment. Ce cinquième tome continuant de nous dépeindre la nouvelle vie des habitants, la douleur, la violence, les manques qui accompagnent cette vie qui se résume simplement en un mot : survivre ! Et s’ils n’ont plus rien à attendre de cette vie, maintenant qu’ils ont été abandonnés par le reste du monde, cela n’empêche pas les habitants de Gotham de ne pas se laisser abattre, de tout faire pour s’entraider. Si cela est flagrant de réussite et de bonté pour les gens autour de Pavé, protecteur de la cinquième à la quinzième rue, de Mayfair jusqu’au fleuve, prêt à tout pour protéger et sauver les siens, ce n’est pas forcément le cas pour les pauvres bougres qui se font piéger par de mauvaises personnes, en croyant pouvoir quitter la ville. Mais qui se souciera d’eux ? Les habitants ayant déjà bien assez de mal à se soucier d’eux-mêmes.

Avant le grand final, dans le sixième et dernier tome de la série, les scénaristes s’évertuent à clôturer certaines intrigues comme le sort de Double-Face et de l’agent Montoya dans un excellent procès à huit clos avec James Gordon dans le box des accusés, ou la mission de Catwoman pour le compte de Batman dans un épisode où la belle voleuse est plus féline et sensuelle que jamais.
Mais la nouveauté est là également, avec le Killer Croc et sa folie des grandeurs n’hésitant pas à s’en prendre directement au Pingouin, jaloux de la réussite des autres méchants de la faune de Gotham, ou encore Szasz dans une effroyable et glaçant tête-à-tête avec le docteur Leslie Thompkins.

Ce tome #5 est également important, car il marque, enfin, le retour d’un échange entre Batman et son vieux partenaire de confiance James Gordon, mais cela ne se fait pas sans colère, sans rancœur, sans élévation de la voix. Mais l’essentiel étant que Batman réussisse à resserrer les rangs autour de lui, alors qu’une grande fortune, à l’égo surdimensionné et ne faisant rien par bonté d’âme se prépare, avec l’aide du Pingouin, à débarquer à Gotham, malgré l’interdiction de s’approcher de la ville, avec de l’argent, beaucoup d’argent, et plusieurs centaines de tonnes de matériels !...

Graphiquement, comme pour les précédents tomes, il y a du bon, un peu de très bon, beaucoup de moyen et pas mal de mauvais. Mais au final, le niveau général est homogène, cohérent, et se laisse plutôt bien regarder, même si cela à quand même pas mal vieilli.

Bref, personnellement j’ai encore beaucoup apprécié cette lecture, j’aime ce statu quo d’apocalypse dans lequel se retrouve Gotham, dans lequel nos personnages prennent des trajectoires et des décisions différentes. J’aime ces histoires qui nous sont proposées. J’aime me balader dans ce No Man’s Land sans jamais savoir sur qui ou quoi je vais tomber. Mais le vent tourne, et ce nouvel arrivant, de la dernière page, promet du changement, beaucoup de changement !