Au début des années 1940, une mode des aventuriers costumés a frappé les Etats-Unis, incitant plusieurs individus à se déguiser afin de rendre la justice. Parmi eux, le Comédien, le Hibou, le Spectre Soyeux, Capitaine Métropolis, le Juge Masqué, l’Homme-Insecte, la Silhouette et Bill Dollar se sont regroupés en une organisation, les Minutemen, pour le meilleur et surtout pour le pire ! (contient les épisodes Before Watchmen : Minutemen #1 à 6)

Lorsque Before Watchmen a été annoncé, les réactions ont été assez virulentes. Soit cela était une idée géniale, soit une hérésie. Cette dernière opinion prenant le plus souvent l’avantage dans les débats. Personnellement, j’ai découvert Watchmen à peu près à ce moment là avec la première publication d’Urban Comics. J’ai été tellement emballé par l’œuvre d’Alan Moore et Dave Gibbons que j’ai vu Before Watchmen comme une bonne idée. Je voulais en apprendre plus sur ces passionnants personnages. Il faut cependant faire attention à ce que l’on souhaite.
Il y a en effet un fossé entre Watchmen et Before Watchmen, un fossé rien que temporel, les mœurs ne sont plus les mêmes, la façon d’écrire non plus. Et plus nous avancions dans Before Watchmen, plus je me rendais compte que la plupart des artistes n’avaient pas la patte d’Alan Moore et n’avait pas compris la complexité des personnages. Et au final, c’est une profonde déception qui m’a envahit. Mauvaises histoires, personnages foirés, voir incompris, à mille lieux de ce qu’ils étaient dans Watchmen.
Cependant, une série a su sortir du lot à mes yeux. Une série a su être à la hauteur grâce à son auteur/dessinateur Darwyn Cooke : Minutemen !

La grande force des œuvres d’Alan Moore réside dans son talent à traiter des sujets de société importants dans des récits de super-héros. Les rendant plus humains et moins super. Au final, on se dit que ces super-héros ne sont que des hommes et des femmes comme vous et moi avec les mêmes craintes, les mêmes hontes, les mêmes travers. Darwyn Cooke a parfaitement su capter cette essence !

Rien que par ses dessins pour commencer. Le style de Cooke fait vraiment rétro, les coupes de cheveux, les coupes vestimentaires et les coupes dans sa mise en page. Beaucoup de petites cases comme dans les vieux strips, pas de découpage farfelu ici, du classique, mais du classique qui fonctionne bien. On se croirait réellement en 1940. Les rues avec leurs vieilles grosses enseignes lumineuses, le mobilier d’intérieur, tout, tout s’y prête. Et en plus d’être en adéquation avec son récit, ses dessins sont d’une grande expressivité et d’une grande beauté, la Silhouette est tellement classe par exemple, le Spectre Soyeux dégage une telle sensualité. Un véritable régal pour nos petits yeux, tout au long de notre lecture.

Mais Darwyn Cooke a surtout compris l’essence de ces personnages. Ce sont des gens cabossés par la vie, des gens aux dents longues et surtout, un super-héros n’est pas forcément quelqu’un de bon… Ils sont peu nombreux les personnages à la fin de ce tome a ne pas avoir été égratigné par Cooke. Un Hibou un brin benêt, une Homme-Insecte qui s’avère être une belle poule mouillée, une Silhouette trop impulsive malheureusement, une Spectre Soyeuse infidèle le jour « soi-disant » le plus important de sa vie, un Bill Dollar homophobe, un Capitaine Métropolis qui ne rêve que de gloire et ayant honte de sa relation homosexuel avec un membre du groupe, un Comédien égal à lui-même et enfin un pédophile…
Vous le voyez, Darwyn Cooke nous dépeint une équipe de Minutemen gangrénée de l’intérieur, sans la moindre cohésion, et sans le moindre but héroïque. Chacun voulant tirer la couverture sur lui. Seul le Hibou semble à peu près héroïque et ses dernières actions lorsque la tourmente finale s’en prendra à ce qui reste de l’équipe, le mettront en avant. Malheureusement, comble du comble, la seule fois où l’équipe, enfin certains membres de l’équipe, agit de façon héroïque, personne n’en saura rien, les évènements seront alors cachés au grand public. Comme si cela était le destin de cette équipe que de ne pas briller.

Pendant ces cent soixante seize pages, Darwyn Cooke va s’amuser à faire sombrer ces pseudo-héros, à leur coller des problèmes d’êtres humains normaux : blessures psychologiques de guerre, homosexualité impossible a avouer et qui dérange, pédophilie, trahisons, course à la gloire. Ils ne se battent pas contre des supers-vilains dans ce récit, non, Cooke les oppose à eux-mêmes, à leurs parts d’ombre, à ce qui fait qu’ils ne sont au départ que des hommes et des femmes, avec leurs envies, leurs blessures, leur honte, leurs dégoûts ! Et cela prend tout de suite des proportions démesurées et dramatiques de par ce qu’ils représentent en tant que, soi disant super-héros.

Bref, Darwyn Cooke n’hésite pas à taper sur ses personnages, à nous faire des révélations surprenantes voir horribles par moment. Mais son récit est passionnant, on veut voir qui va réussir à sortir la tête de l’eau, qui va réussir à se dépasser pour passer outre les obstacles mis en place par Cooke. Et puis il y a toujours ce petit plaisir malsain à regarder la déchéance chez les autres, surtout lorsqu’ils se croient intouchables sous les feux des projecteurs.
Si vous ne deviez lire qu’une seule série de Before Watchmen, ce serait Minutemen !
Romain_Bouvet
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le 18 févr. 2014

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Romain Bouvet

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