Quand Valérian gère une crise immobilière intergalactique et que Laureline perd patience

Avec Bienvenue sur Alflolol (1972), Pierre Christin et Jean-Claude Mézières signent une aventure de Valérian et Laureline qui jongle habilement entre satire sociale et science-fiction. Ici, pas de batailles spatiales épiques ni de conspirations galactiques complexes : l’intrigue se concentre sur un conflit qui ressemble étrangement à un problème d’expropriation... sauf qu’il se déroule sur une planète alien avec des bureaucrates spatiaux et des hippies interstellaires.


L’histoire commence avec Valérian et Laureline qui atterrissent sur Technorog, une planète ultra-industrialisée, symbole de la suprématie humaine et de son obsession pour le progrès. Tout va bien jusqu’à l’arrivée des Alflololiens, habitants originels de la planète, qui reviennent après des milliers d’années de vagabondage interstellaire pour réclamer leur foyer… transformé entre-temps en une usine géante. Ce qui suit est une confrontation aussi absurde que pertinente entre deux visions du monde : le capitalisme froid et la simplicité nomade.


Valérian, fidèle à lui-même, joue les fonctionnaires rigides, essayant d’appliquer les ordres et de gérer la situation sans faire trop de vagues. Laureline, quant à elle, vole la vedette avec son caractère bien trempé et son empathie pour les Alflololiens. Elle est la voix de la raison (ou de la rébellion), n’hésitant pas à critiquer l’arrogance humaine et à remettre Valérian à sa place. Leur duo fonctionne à merveille, mêlant tension et complicité dans un cocktail dynamique et souvent drôle.


Les Alflololiens, avec leur mode de vie insouciant et leur apparence décalée, sont à la fois attachants et exaspérants. Ils incarnent une critique à peine voilée de l’exploitation des ressources et du mépris pour les cultures différentes. Leur attitude désinvolte face à la situation contraste avec la rigidité des humains, donnant lieu à des scènes à la fois comiques et poignantes.


Visuellement, Jean-Claude Mézières fait des merveilles. Les décors de Technorog, tout en structures géométriques froides et en lignes industrielles, s’opposent aux designs organiques et colorés des Alflololiens. Chaque planche regorge de détails qui enrichissent l’univers et accentuent les thèmes centraux du récit. Les expressions des personnages, qu’il s’agisse de la colère de Laureline ou de l’insouciance des Alflololiens, ajoutent une touche d’humour et d’humanité à l’ensemble.


Narrativement, Pierre Christin livre une satire sociale mordante, explorant des thèmes comme la colonisation, l’exploitation des ressources, et la confrontation entre cultures. L’histoire, bien que légère en apparence, porte un message universel qui reste d’actualité. Cependant, l’intrigue, parfois un peu simpliste, manque de la profondeur et de l’intensité des autres albums de la série. L’action cède ici la place à une réflexion plus contemplative, ce qui peut dérouter les amateurs de récits plus dynamiques.


En résumé, Bienvenue sur Alflolol est une aventure atypique et intelligente, où Christin et Mézières s’amusent à mêler humour, critique sociale, et science-fiction. Si l’intrigue manque parfois de rythme, elle compense largement par la richesse de son message et la beauté de son univers visuel. Un album qui nous rappelle que même dans l’espace, les conflits de voisinage peuvent devenir épiques… et qu’il vaut mieux ne pas énerver Laureline. Un récit à méditer entre deux chantiers intergalactiques.

CinephageAiguise
7

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le 18 déc. 2024

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