Incroyablement fade

Bleach, ça n’a jamais été pour moi. Autant sur le fond que sur la forme, je n’ai jamais accroché. Je reconnais sans problème le talent de l’auteur. Il a su construire un univers visuel qui lui est propre, avec une vraie patte qu’il a affinée au fil des années. Et rien que pour ça, il mérite le respect. Peu de mangakas peuvent en dire autant. Mais même avec ça, je reste hermétique. Le design des persos, la colorimétrie utilisée, l’esthétique globale, les vêtements, les couvertures des tomes… tout me laisse froid, voire me repousse. Alors oui, ça c’est purement subjectif. Mais même en allant sur le terrain du découpage ou de la narration visuelle, je n’arrive pas à être impressionné. J’entends parfois qu’on compare ça à Toriyama… Franchement, je trouve qu’on est à des années-lumière : là où l’un est d’une lisibilité et d’un dynamisme exemplaires, l’autre me semble bien plus poussif.

Quant à l’histoire, je la trouve creuse, sans relief. Et encore, c’est sans parler des problèmes qui s’y ajoutent. On m’avait vanté l’arc Soul Society comme un sommet du shōnen, un arc culte, une masterclass. Mais en vrai, c’est juste un scénario vu et revu : une bande qui s’infiltre pour sauver une copine faite prisonnière. Voilà donc l’arc légendaire de Bleach ? On a déjà vu ça mille fois, notamment depuis Saint Seiya. Et ce n’est même pas un cas isolé : le coup de la demoiselle à secourir, l’auteur nous le ressort plus tard. Alors oui, on peut me dire que ce n’est pas le pitch qui compte, mais la manière dont c’est raconté. Je veux bien. Mais même en tenant compte de ça, mon résumé tient debout : c’est bien ce qu’il se passe, il n'y a aucune complexité particulière, l'auteur n'essaie même pas de jouer avec ce cliché pour surprendre le lecteur, il suit le cahier des charges de A à Z. Et si on regarde de plus près les événements de l’arc, c’est même encore plus problématique. Des power-ups à chaque tournant pour éviter tout danger et faire avancer l'intrigue, les actions héroïques n’entraînent aucune conséquence (Ishida qui sacrifie ses pouvoirs pour battre son adversaire... ah non en fait il les récupère après grâce à la magie du scénario), et bien sûr, ils sauvent la princesse. Aucun suspense, aucune surprise. C’est plat, prévisible, fatiguant.

Et puis il y a le souci des rapports de force. Ichigo galère contre un lieutenant lambda, lutte comme jamais contre un sous-capitaine, et trois pages plus loin, il éclate un des capitaines les plus balèzes… sans pause, sans souffler. Facilité scénaristique insupportable. Un coup les capitaines sont forts, un coup ils sont nuls, c'est selon le sens du scénario, c'est vraiment pas sérieux. Ce genre d’escalade invraisemblable incarne tout ce qui me fatigue dans certains shonens.

Un autre point qui me gêne, la soi-disant singularité d’Ichigo comparée à Naruto ou Luffy. On nous objecte qu’il n’a pas d’ambition grandiloquente, qu’il n’aspire à rien d’autre que de protéger ses proches. Mais, finalement, Naruto et Luffy n’agissent pas autrement : leurs quêtes sont aussi motivées par le désir de sauver leurs amis, leur soif de puissance vise le même objectif, et leur présence transforme les personnages qu’ils croisent. Ces trois piliers (secours des amis, volonté de devenir plus fort, influence sur autrui) sont finalement communs aux trois héros. Donc qu'on arrête de nous bassiner avec cette idée qu'Ichigo ne serait pas un personnage de shonen comme les autres.

Bref, je pourrais encore continuer longtemps mais inutile d’en faire des tonnes : Bleach, c'est pas pour moi. Et quelque part, c’est pas étonnant qu’il ait fini par se faire éclipser par Naruto et One Piece. Même si j’ai des critiques à leur faire aussi, au moins eux sont beaucoup moins fades que Bleach.