Août est souvent un mois assez calme du côté des sorties aussi rien ne vaut une série courte qui nous tire de notre torpeur estivale ! Cavale vers les étoiles est de celle-là : direction la planète rouge moyennant quelques légers contre-temps...


Mars… et ça repart ?


Au début du XXIe siècle le monde a changé : la perfide Albion domine le monde. Non pas parce que le Brexit a été une brillante idée mais parce que nous nous trouvons dans une réalité alternative. Résultat des courses : outre une position hégémonique, la Grande-Bretagne a aussi fait faire à la technologie un grand bond en avant, qui voit la prolifération d’implants cybernétiques. Ces derniers ont permis à Roku Itsuki, une jeune fille qui prépare et vend des nouilles, de survivre au prix d’un endettement sur le long terme…


(Mal)heureusement, son activité va être perturbée lorsque déboule Kinu, une jeune fille issue de manipulations génétiques : l’armée britannique cherche à produire des spécimens issus de gènes martiens pour aller sur Mars et latter ses habitant.e.s. Sauf que Kinu ne l'entend pas de cette oreille : elle se fait la malle et met la main sur Roku, qui doit lui servir de guide pour lui permettre de rejoindre la planète rouge. Seul petit hic : les vols entre la Terre et Mars n’ont plus lieu depuis des années.


La suite est une succession de scènes d’action, de rencontres plus ou moins fortuites et agréables, de courses (on parle d’ailleurs de « course » et non pas de chapitre dans l’ouvrage)… En somme nous avons droit à une cavale entre Tokyo et Nagoya vitaminée comme il faut, quelque part entre Dead Leaves, Biomega et les Two Brothers de Rick & Morty.


Arrête-les si tu peux


Parmi tous ses talents, Kinu possède une capacité régénérative très développée, qui lui rend bien des services. Parce que Ryoma Nomura ne ménage pas son héroïne... Elle n’est pas la seule dans ce cas de figure : dans Cavale vers les étoiles on perd des membres ! Il ne reste parfois que la tête en bon état de marche et on se rafistole comme on peut. Il y a donc une absence ponctuelle de symétrie qu’accompagne une flore mutante et des créatures que l’on pourrait retrouver dans nos cauchemars.


D’autant plus que l’univers du manga est sombre. Ce n’est donc pas un hasard si le noir prédomine. La mort n’est jamais bien loin, les groupes qui vivotent en marge de la société ne font pas rêver et on ne voit guère de nature où de jolis paysages à contempler. Un certain nombre d’actions se déroulent en univers clos (souterrains, voitures…). La sensation d’enfermement, d’une certaine oppression n’est jamais très loin, sensation renforcée par le cadrage serré adopté par l’auteur et la présence limitée de planches où une profondeur de champ apparaît.


Un équilibre est donc atteint au fil des pages entre l’humour qui se manifeste dans les propos, les décalages introduits, les éléments graphiques, le choix des héroïnes (oui ce sont deux jeunes filles mais ne vous attendez pas à du fan service)… et des thématiques traitant des envies de conquête et de destruction, de la course en avant en matière de mécanisation... Ajoutez une fin qui contient des perspectives qui ne sont pas toutes réjouissantes et on obtient un titre bien cyberpunk.


Au temps béni de la Britannie


S’il fallait faire ressortir un élément qui interpelle dans Cavale vers les étoiles, ce serait la continuité. On le voit dès la jaquette qui propose une scène qui s’étend sur toute sa largeur. On retrouve de la continuité à l’intérieur du volume : le manga ressemble à un long plan-séquence, où l’on suit Kinu et Roku. Les chapitres s’enchaînent et chaque planche de début fait le lien direct avec ce qui précédait. La seule exception concerne le dernier chapitre où des ellipses sont de rigueur pour boucler la boucle et fournir sa conclusion à l’œuvre. Enfin, alors qu’originellement la série a été publiée en deux tomes au Japon ici nous l’avons en un seul volume.


Graphiquement le volume interpelle sur plusieurs points. D'abord, le respect des proportions n’est pas à l’œuvre, que cela concerne la tête des personnages, la longueur des membres, la taille des armes… Il ne faut pas y voir un élément négatif, cela traduit simplement les éléments que l’auteur souhaite mettre en avant. Le graphisme évolue aussi au gré des scènes : en plein cœur de l’action il n’est pas rare de voir le design des personnages évoluer, devenir davantage « brut » et cohabiter avec des onomatopées. Un contraste apparaît aussi entre la noirceur de la Terre et la blancheur de Mars.


Du côté de l’édition française, nous avons droit à un ouvrage dans le format 13X18. Un format qui permet d’apprécier le travail de l’auteur qui ne présente pas de double-page, de planches qui s’étendent. S’il y a un petit regret à avoir, il concerne les bonus de fin de tome où pas mal d’informations nous sont données par l’auteur au sujet de l’univers de la série et certaines bulles (peu nombreuses) sont très remplies avec une police en petits caractères. La lecture est fluide, les différents registres de langues bien représentés sans oublier quelques néologismes savoureux (les soviétons !).


Rentrer chez moi


Première œuvre de Ryoma Nomura à être éditée en France, l’essence de Cavale vers les étoiles se trouve dans son titre. Le côté ininterrompu de l’intrigue autorise une lecture d’une traite qui fait alterner les moments de rire et ceux plus réflexifs. En somme, Cavale vers les étoiles c’est un auteur inédit en France, un volume, de l’action et de la science-fiction : cavalez pour vous le procurer !


Avis plus développé et illustré à retrouver par ici.

Anvil
7
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Créée

le 23 août 2017

Critique lue 402 fois

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Anvil

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