Je suis tombé sur cette BD complètement par hasard, dans une librairie parisienne. Le genre de découverte qu’on ne cherche pas vraiment, mais qui finit par vous cueillir. Au départ, c’est le dessin qui m’a accroché... Des lignes d’une précision rare, presque anatomiques, mais jamais froides. On sent la main d’une artiste qui connaît le corps, qui le comprend.
Et tout fait sens, parce que justement, Ces lignes qui tracent mon corps parle du rapport au corps, du regard qu’on porte sur lui, et de la douleur qu’il peut contenir.
L’autrice, Mansoureh Kamari, raconte son histoire, celle d’une femme iranienne marquée par l’oppression, la honte imposée, la peur, et la lente reconstruction à travers le dessin. Et c’est là que le livre devient fort. Chaque trait qu’elle trace semble un geste de libération. Le parallèle entre le dessin et la réappropriation du corps est d’une justesse incroyable. On a parfois l’impression que chaque page respire enfin après des années d’étouffement.
Visuellement, c’est superbe. Kamari alterne les souvenirs gris et rouges du passé avec des séquences plus lumineuses au présent. Le contraste est subtil, poétique, parfois même apaisant. C’est une mise en scène très aérée, qui prend le temps de laisser exister le silence. Et c’est ce qui rend la lecture si touchante, tout y passe par la respiration, par la retenue, par le geste.
Mais en même temps, c’est aussi là que j’ai ressenti une petite frustration. Le livre se concentre surtout sur les horreurs vécues en Iran, avec la peur, la répression, la douleur.
Tout cela est bouleversant, évidemment, mais j’aurais aimé qu’on aille plus loin dans sa reconstruction d’aujourd’hui. Qu’on la voie vivre, créer, sourire autrement. La mise en page, justement si ouverte, aurait pu accueillir cette partie-là de son histoire, celle de la renaissance.
On avance par bribes, par souvenirs. Par moments, ça donne un côté poétique, mais parfois aussi un léger sentiment de distance. On ne sait plus trop si on lit une confession, une thérapie, ou un appel à témoigner.
Malgré ça, difficile de ne pas être touché. Ces lignes qui tracent mon corps est une œuvre à vif, sincère, et d’une intensité rare. à la fois un cri et une caresse. On en ressort un peu ébranlé, mais reconnaissant. Parce qu’au-delà du drame, il y a cette conclusion simple et pleine d’espoir, ce sentiment que même dans la douleur, le geste de créer peut sauver quelque chose. Puis porter au pinacle la beauté!
Ce n’est pas une lecture facile, ni un récit grand public. Mais c’est une œuvre importante, nécessaire, et surtout profondément humaine. Une femme qui se redessine à travers la douleur, et qui, mine de rien, nous apprend aussi un peu à regarder autrement nos propres cicatrices.