Cometa
5.6
Cometa

BD (divers) de Elie Huault (2025)

Une mission avec objectif optionnel

Avec cet album, Elie Huault fait le choix d’une histoire tournée vers l’exploration spatiale. L’absence de dialogue incite à guetter chaque détail pour enregistrer les informations significatives. Le tout début nous montre un astronaute en tenue (scaphandre) face à un écran où nous lisons en même temps que lui. Visiblement, il émerge d’une longue léthargie, après cryogénisation.


Remarque préliminaire : la cryogénisation se distingue de la congélation, opération que nous connaissons suffisamment bien pour savoir qu’elle ne permet pas la conservation sur une très longue durée. Ici, nous sommes donc clairement sur de la SF, car les connaissances scientifiques actuelles dans le domaine de la réfrigération n’apportent que d’hypothétiques perspectives. C’est donc particulier comme état pour voyager et on en déduit que l’astronaute se réveille loin de son point de départ.


Premières manifestations d’étrangeté


Ce que l’astronaute observe depuis son hublot (de taille démesurée) apparaît à la limite de l’impossibilité astronomique. L’auteur nous invite donc d’emblée à prendre du recul par rapport à tout ce qu’il propose : nous nous situons du côté du fantasme, avec des références qui rappellent que nous découvrons un « Livre Métal hurlant » sans prétention réaliste, malgré un style de dessin qui s’en approche.


Sur son écran (comme s’il avait tout oublié ou pire, qu’on ne l’ait pas informé avant son départ), l’astronaute apprend la nature de sa mission : il doit retrouver une balise émettrice et un artefact (n’en serait-il pas un lui-même ?) Écran suivant : veut-il prendre connaissance d’un objectif optionnel ? Visiblement, on compte sur sa curiosité, parce que, bien évidemment, il prend connaissance de ce nouvel objectif : un mot qui en dit long. Pourtant il aurait très bien pu ne pas aller jusqu’à cet écran. Priorité donc à la localisation d’une balise pour retrouver son propriétaire, une mission qui pourrait s’avérer dangereuse. Puisqu’on l’envoie si loin, c’est qu’on ignore complètement pourquoi l’artefact qu’il recherche ne donne plus de nouvelles.


On peut évidemment aussi prendre l’information comme une manifestation de cynisme de ceux qui l’envoient et/ou comme une manifestation d’humour noir de la part de celui ou celle qui a élaboré le questionnaire, donc de l’auteur de la BD. Un album original (format carré, en noir et blanc) avec des planches comportant parfois un seul dessin, parfois plusieurs, l’ensemble étant bien organisé pour raconter une histoire. Le bédéphile ne sera surpris ni par la forme ni par ce pari d’une BD sans dialogue. Et puisqu’il s’agit de Science-Fiction, l’auteur doit faire attention à ne pas perdre le lecteur.


Les questions s’accumulent


Le dernier écran d’information invite l’astronaute à rejoindre la capsule LEM, ce qui rappelle forcément les missions Apollo avec lesquelles les Américains sont partis à la conquête de la Lune. Bizarrement, l’engin qui atterrit ressemble fortement à la capsule telle qu’elle ramenait sur Terre les voyageurs de l’espace, avec son bouclier thermique destiné à la protéger des frottements lors de son retour dans l’atmosphère terrestre. Par contre l’atterrissage du LEM ainsi que son mode d’ouverture surprennent, car visiblement l’auteur ironise. D’autre part, sur le scaphandre de l’astronaute, on n’observe aucune marque distinctive indiquant sa provenance. De plus, sa tenue fait un peu datée (sa manette de commande rappelle celle d’un jeu vidéo), comme si des astronautes anonymes de l’époque Apollo étaient en mission dans un futur impossible à préciser. A moins que l’auteur cherche à apporter quelques références pour baliser le terrain en quelque sorte. Ceci dit, l’astronaute adopte un comportement très particulier une fois qu’il sort de son engin. L’aspect SF est alors bien présent.


Elie Huault


Indéniablement, il a des idées et un réel talent pour leur mise en scène. Son choix du noir et blanc et surtout de l’absence de dialogue ne l’empêchent pas de se montrer original. Pour son humour décalé, je rapproche cet album de Police lunaire (2016) du Britannique Tom Gauld. D’autre part, Elie Huault nous propose ici un scénario avec quelques péripéties où l’astronaute se montre plein de ressources pour affronter de multiples épreuves.


Mission accomplie ?


Esthétiquement, le dessin est soigné, dans un beau noir et blanc. L’auteur aime varier ce qu’il présente, dans les décors notamment. Il assume l’absence de dialogue en gardant à l’esprit qu’un lecteur peut parcourir l’album assez rapidement. Il a donc à cœur de lui apporter la satisfaction de l’œil et de le maintenir attentif, car chaque détail peut avoir son importance. Autant dire que le titre associé à son illustration de couverture (agréable, avec un dessin en couleurs) maintient le suspense quant au contenu de l’album, se contentant d’annoncer un thème en rapport avec l’espace. Intelligemment, Elie Huault s’arrange pour nous réserver quelques surprises. Il laisse également la place à l’interprétation en incitant à la relecture.


Critique parue initialement sur LeMagduCiné

Electron
7
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le 27 avr. 2025

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