Impossible pour moi de ne pas comparer Crossed à l'autre série sur les zombies que je lis, Walking Dead (évidemment) et c'est dans la comparaison que je me suis retrouvé à juger cette présente BD.


Crossed a l'avantage de livrer des récits en one-shot et ne pas s'étendre sur des vingtaines de tomes, ce qui est super puisqu'en un nombre limité de pages on nous dit ce qu'on met des pages et des pages à dire dans Walking Dead. Mais ce qu'on gagne ici on le perd ailleurs. Walking Dead permet de s'attacher aux personnages, de suivre un parcours et de prendre la pleine mesure d'une décision narrative, d'un enjeu ou d'un retournement de situation. Ici la profondeur des personnages ne peut pas se permettre une construction sur la longueur et doit tenir en quelques images, d'où l’intérêt d'insérer des flash backs bien souvent perturbants pour la lecture mais au final assez astucieux. On sera alors moins compréhensif, peut-être moins bouleversé par le parcours des personnages, moins triste quand ils mourront mais on portera un regard différent sur eux.


De façon brillante la forme rejoint le fond. Dans Crossed quand un personnage meurt, on le connait trop peu pour s'en attrister et on le regarde disparaître avec un certain détachement, ce qui colle parfaitement avec le propos du comics, à savoir que l'horreur de l'univers nous déshumanise. On garde une petite dose d'humanité lorsqu'on est choqué de voir mourir un personnage de façon brutale mais on l'accepte finalement assez vite. Le personnage principal ressent exactement la même chose. Car il faut le dire, si les différentes couvertures dessinées par Burrows font preuve d'humour noir, les dessins couplés à l'histoire à l'intérieur du récit n'ont plus rien de funs. Bien souvent j'ai été horrifié (c'est le mot) par les mises à mort des personnages - comme cette scène où un homme croit pouvoir sauver sa femme et sa fille avec du sel, pensant que cela peut repousser les infectés et la page suivante les montrant entrain de mourir, la gamine étant littéralement déchiquetée à la hache - On ne trouve plus rien de drôle, on est simplement choqué par les différentes situations. En peu de lignes Garth Ennis parvient à rassembler toutes les émotions, toutes les questions qui sont posées par son univers.


Dans Crossed on sera souvent dégoûté par les personnages, il n'y a pas de héros, jamais. On sera obligé de suivre leurs décisions aussi cruelles soient-elles, sans jamais remettre en question leur culpabilité car de morale il n'y en a plus vraiment dans ce monde - là encore il faut voir cette scène où des enfants se font massacrer en pleine nuit - l'univers prend le pas sur le message. On ne nous parle plus de bon ou de mauvais, ni d'espoir ou d'avenir, on ne nous dit pas grand chose à travers cette histoire, on nous montre simplement un monde post-apocalyptique souillé par l'horreur. Au lecteur ensuite de placer tout son ressenti. On peut rire de cette histoire, on peut s'ennuyer, on peut être horrifié ou on peut être captivé par son immoralité (ou plutôt son amoralité.)


Crossed raconte l'horreur la plus crue, sans détour, sans figure héroïque, sans filtre. L'horreur en pleine face. «Faites en ce que vous voulez» semble nous dire Garth Ennis.

-Alive-
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le 8 juil. 2014

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-Alive-

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