Allemagne, 1919. Alors qu’Otto Mueller peint son épouse dans la forêt, le dessin se dévoile peu à peu au travers des yeux des Deux Filles Nues qui prennent vie sous son pinceau. C’est à travers la toile que nous entrons dans le récit, ses personnages se faisant les observatrices du monde et de l’Histoire dont elles seront spectatrices des heures les plus sombres.
Cinq parties nous racontent l’Allemagne de 1919 à 1946, pour finir, par un saut dans le temps, à nos jours. De l’atelier du peintre au bureau de son premier acheteur, l’avocat Ismar Littman, on observe l’arrivée au pouvoir d’Hitler, la montée progressive de l’antisémitisme et du nazisme qui bientôt va qualifier d’art dégénéré toute forme d’art moderne et avant-garde.
Témoin de son époque, Deux Filles Nues est un survivant, à l’image de Luz dont le réveil n’a pas sonné le jour de l’attentat contre le Charlie Hebdo. Coup du destin qui lui a évité d’être sur les lieux au moment du drame. La mise en abîme de l’œuvre offre un regard extérieur pertinent pour célébrer l’art et dénoncer les dérives du pouvoir dans son atteinte à la liberté d’expression.
Procédé original, point de vue pertinent, j’aime le rendu général qui, par le transport de l’œuvre ou son exposition, multiplie les angles et dynamise la mise en page. Le ton sépia rend compte de l’époque avec justesse, la couleur ne s’invitant que dans les toiles qui défilent sous nos yeux, comme autant de chefs-d’œuvre victimes d’une politique totalitaire. Le résultat est juste brillant !