Une secte cheloue, des Champignous, des Rats Géants et … le Gardien à oilpé.


Si Donjon Parade a pour but de raconter des histoires légères en mettant en scène les principaux personnages de la série Donjon Zénith et en mélangeant humour potache, bagarres loufoques, personnages farfelus et situations déjantées, et que cet objectif a largement été atteint jusqu’à présent, force est de constater que cet Eternel repos ne se situera malheureusement pas dans le haut du panier de la série. L’album n’est pas déplaisant, loin de là, mais je l’ai trouvé bien moins drôle que ses prédécesseurs, avec pas mal de blagues forcées, de situations déjà vues dans les albums antérieurs (le coup de la machine à bouillon en panne, Herbert qui demande de l’aide à Horous pour ressusciter ou cacher un cadavre …), sans compter que le thème principal du titre – le gourou d’une secte qui investit le Donjon avec ses adeptes pour y mourir en martyr – ne m’a pas franchement convaincu. Sans même parler du dessin de Thibaut Soulcié qui, malheureusement, ne rattrape pas l’ensemble. En fait, j’ai surtout apprécié cet Eternel repos pour sa capacité à enrichir significativement l’univers du Donjon.


En effet, comme pour Un Donjon de trop (DP1), Le jour des crapauds (DP3), Des fleurs et des marmots (DP4) ou encore Garderie pour petiots (DP6), Eternel repos est un Donjon Parade dont l’action se passe entièrement entre les murs du Donjon. C’est donc l’occasion (entre autres) pour le lecteur de découvrir des nouvelles salles et des nouveaux pièges du légendaire bâtiment, ainsi que de nouveaux monstres ou d’en apprendre encore davantage sur les habitants du Donjon qu’il connaît déjà. Ici, Sfar et Trondheim nous gâtent particulièrement puisqu’ils n’exploitent quasiment aucun lieu ou monstre connu du Donjon, mais ont au contraire décidé d’en inventer de nouveaux, ce qui a pour effet d’enrichir encore le background de la série et de continuer à surprendre le lecteur. Au menu des découvertes : l’antre des Champignous (des monstres jusqu’à présent seulement évoqués ou simplement montrés en tant qu’éléments du décor dans quelques albums de Donjon Zénith et Donjon Parade) ; le Cul-de-Basse-Fosse, cimetière où sont enterrés les aventuriers identifiés morts au Donjon ; le Toboggan géant anti-horde ; la tanière des Rats Géants ou encore la salle des Moustiques d’enflage. Et si on ajoute à cela la présentation d’un nouvel Ancien Porteur de l’Epée du Destin, l’empereur Roüz (même s’il y a une grosse incohérence à son sujet (*)) ainsi que le développement du personnage de Tabata (un personnage jusqu’alors plus que secondaire), on peut dire que Eternel repos est un album qui a certainement de quoi ravir les aficionados du Donjon.


Derrière cette histoire sympathiquement stupide de pèlerins escortant leur mentor au Donjon dans le but de le sacrifier, où comme d’habitude les bagarres rocambolesques se mêlent aux blagues les plus tordues (la scène d’ouverture, particulièrement cynique, où les vieux parents d’un aventurier trépassé au Donjon viennent se recueillir sur la tombe de leur fils, m’a bien fait rire), Trondheim et Sfar en remettent une couche sur le danger des cultes religieux et des sectes en tous genres (un thème largement développé dans la série). Même si ici cela est fait avec légèreté (ambiance Donjon Parade oblige), entre gourou péteur suicidaire qui se promène tout nu, adeptes stupides et illuminés qui s'entretuent et monstres féroces du Donjon endoctrinés (Tabata, les Champignous) devenus soudain manipulables (et inoffensifs !), la charge anti-religion des auteurs montre qu’en l’absence d’esprit critique, l’appartenance à un culte quelconque peut conduire aux actions les plus stupides et causer la plus grande pagaille. Une évidence toujours bonne à rappeler …


Depuis la création de la série en 1998, de très nombreux dessinateurs, aux styles graphiques divers et variés, ont participé à l’aventure Donjon. Mais c’est bien la première fois que la série accueille un dessinateur de presse en la personne de Thibaut Soulcié ! Comme on aurait pu le redouter, son dessin caricatural, s’il a en soi un certain caractère, n’est malheureusement guère adapté à Donjon. Si ce trait demeure efficace pour représenter sous un angle humoristique personnalités politiques et autres célébrités dans L’Equipe, Marianne ou Télérama, il montre hélas vite ses limites sur Donjon. Peu soigné et vite griffonné par nature, ce dessin façon « dessin de presse » peine à représenter le Donjon et ses occupants sous un angle avantageux. Entre des personnages croqués à la va-vite et de nombreuses cases exemptes de décors de fond, l’ensemble s’avère particulièrement pauvre. Seul point positif à mes yeux : la capacité du dessin à véhiculer l’ambiance absurde et drôle de cette aventure, pour le coup bien retranscrite.


Au final, un épisode globalement sympathique, mais truffé de petits défauts (graphiques comme scénaristiques) et de plusieurs incohérences (*) qui le rendent quelque peu irritant. Cependant, on se marre quand même bien à la lecture, et ça reste l’essentiel !


(*) : les exégètes du « Donjon » se rappelleront que l’empereur Roüz, Ancien Porteur de l’Epée du Destin, avait déjà été évoqué dans « Technique Grogro » (DP5) et qu’il était alors présenté comme l’empereur des Hyperménoréens. Logiquement, le personnage aurait donc dû être représenté tel un Hyperménoréen, et non sous l’apparence d’un Rat Géant. Une incohérence de taille qui, si elle n’impacte pas l’intrigue de cet épisode, fait quand même tâche et gâche un peu le plaisir de lecture.

_minot_
6
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le 12 juin 2025

Critique lue 146 fois

3 j'aime

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