Enfer et Paradis
6.6
Enfer et Paradis

Manga de Oh! Great (1998)

L'édition française de ce manga est une véritable honte. A un point qu'il serait presque difficile d'imaginer sans avoir le livre en main, même en connaissant déjà les publications manga de Panini Comics. Le traducteur ne parle pas français, ce qui pose problème ; du moins pas un Français correct, car nous noterons que la négation "ne" se trouve systématiquement absente. Les noms varient selon les volumes, les mots changent de traduction sans arrêt, sans parler des inversions de bulle ou des phrases sans aucun sens montrant que le travail n'a même pas été relu. Le tout dans un sens de lecture français. Les rares éditeurs à employer cet artifice le justifient généralement pour des œuvres qui doivent pouvoir toucher le jeune public, qui pourrait rencontrer des difficultés avec le sens japonais, mais Enfer & Paradis ne visent certainement pas les enfants.
Le tout pour près de 10€ le tome, s'il vous plait.

Ceci étant dit, que vaut ce manga en lui-même ? Pour commencer, il convient d'expliquer que, à l'origine, Oh! Great a commencé sa carrière comme auteur de hentai ; et cela se ressent à tous les points de vue : les filles ont des formes qui défient les lois de la gravité, et montrent la désagréable habitude de se retrouver dénudées ("je me bats mieux sans vêtements") voire même parfois abusées sexuellement ; le mangaka n'hésite pas à nous faire part de ses fétiches, notamment pour la torture – physique ou mentale – qu'il appliquera sans ménagement à certains de ses protagonistes. Tout de suite, cela donne à ce manga pourtant présenté comme non hentai une atmosphère bien particulière.
Le scénario commence comme un classique des séries de "voyous", dans un esprit similaire à celui du film Crows Zero : des bagarreurs débarquent et décident de prendre le contrôle de leur lycée. Sauf que dans le cas présent, ils vont découvrir non seulement des individus anormalement puissants, mais aussi des techniques presque magiques dont ils n'avaient pas conscience et surtout une lutte intestine dans laquelle ils vont se trouver embarqués, et qui prendra des proportions toujours plus énormes et improbables. Ce dernier point constitue d'ailleurs un des principaux défauts de Enfer & Paradis : l'histoire est bâtie comme une poupée russe, et chaque "boss de fin" se révélera en réalité un pion dans un plan encore plus disproportionné et délirant ; répétez l'opération deux ou trois fois, cela devient vite lassant, pour finir pour atteindre – il faut bien l'avouer – des sommets de n'importe quoi et de grandiloquence, avec deux derniers volumes où le mangaka essaye de noyer le lecteur derrière des phrases alambiquées et un délire difficile à apprécier car trop hermétique.
Heureusement, ce manga ne propose pas que du scénario. La base, cela reste la baston. Et là, il faut dire que Oh! Great a fait le boulot, et plus que correctement. Les phases de combat sont lisibles, superbement mises en page, et aucune ne ressemble à la précédente. Surtout, il a compris un élément essentiel : une bonne œuvre de baston – manga, film, jeu vidéo, que sais-je – c'est avant tout de bons personnages. De ce point de vue, Enfer & Paradis ne craint absolument personne, proposant un des bestiaires les plus riches du monde du manga. Chaque personnage possède un style très affirmé, à la fois dans sa façon de combattre et dans son attitude, sa personnalité, voire ses choix vestimentaires (quand il porte des vêtements). Forcément, une telle débauche de classe et d'originalité ne peut que faire des étincelles sur le papier.
Là où nous retrouvons les soucis liés au scénario, c'est qu'il glisse progressivement vers une ambiance où les combats deviennent des démonstrations de phénomènes de foire, laissant de côté le tournoi de l'école ou la lutte contre les Exécuteurs – deux aspects de la série parmi d'autres – pourtant largement plus intéressants car plus fournis en affrontements de qualité, là où les délires de l'auteur autour de l'Histoire japonaise et du "destin" finissent par devenir beaucoup trop lourds, et trop éloignés du début de Enfer & Paradis, pourtant celui-là même qui nous a poussé à lire ce manga et à continuer.
S'il dispose d'indéniables et nombreuses qualités, Enfer & Paradis se trouve trop souvent plombé par un style "trop sérieux" qui peine à intéresser le lecteur et s'achève de manière aussi surréaliste qu'inepte. Dommage, nous avions un titre au potentiel absolument énorme, à l'image des seins des protagonistes féminines.
Ninesisters
6
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le 5 mars 2012

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Ninesisters

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