Comme quoi il faut savoir persévérer avec ces œuvres dont on sent qu’elles sont animées de bonnes intentions !
…Parce que oui, arrivé à ce tome 3 de la saga « Sillage », j’avoue que je commence à tirer bénéfice de mon investissement !


Alors après – c’est certain – « Sillage » reste « Sillage ».
On sent qu’en termes de propos et de réflexion ça ne va très loin.
Il y a des gentils, des méchants, de l’oppression… Et puis finalement les gentils ne sont pas si gentils que ça. Et Nävis ne manque d’ailleurs pas de geindre régulièrement pour dire à quel point tout ça c’est quand même pas très gentil…
Mais bon, heureusement, à un moment donné Nävis rencontrera d’autres gentils qui eux – pour le coup – sont carrément plus gentils. Voire même qu’ils seraient presque « trop gentils » pour reprendre les propos de l’héroïne elle-même...
…Voilà qui fixe le niveau en termes de fond.
…Un niveau que Nävis incarne malheureusement encore une fois assez bien. Comme dans les deux précédents, elle n’est finalement ici qu’un prétexte pour apparaître à poil et faire des cacas nerveux à espaces réguliers.
…Bref, rien de bien épais quoi.


Mais bon, malgré ces limites-là – comme je le disais plus haut – il y a quand même un vrai gain à se laisser porter par cette saga pleine d’envie.
Ce serait presque tout l’intérêt de cette fougue adolescente qui anime « Sillage » : certes ça ne sait pas trop aller en profondeur, mais dans l’enthousiasme et l’insouciance de l’élan, ça va parfois loin et en des endroits inattendus.
Moi, par exemple, j’avoue que j’ai été assez séduit par ce nouveau cadre posé d’emblée par la planète Trululujj... (Oui je sais, elle ne s’appelle pas comme ça, mais bon, « Sillage » et les noms, toi-même tu sais.)


Déjà visuellement, je trouve ça plus élégant et limite mieux travaillé que les épisodes précédents. Alors certes, le recours à la tablette graphique pose clairement des limites visuelles, notamment dans le rendu des couleurs, mais malgré ça j’ai retrouvé dans ces premières cases le plaisir de balader mon regard à la recherche de ces quelques détails qui font pour moi tout le charme de la bande-dessinée.
Et même si parfois le trait reste encore grossier et la composition pas très inspirée, je me dois bien de reconnaître que par moment ce tome est capable de quelques belles délicatesses...


...notamment lors du sauvetage de Clément et du périple à travers les neiges.


L’exploration du regard est d’autant plus stimulante qu’assez rapidement l’intrigue parvient à capter l’attention. Quand bien même retrouve-t-on vite ses marques dans cette imagerie de révolution sociale des pays de l’Est que des détails savent néanmoins jouer leur rôle de semeur de mystère.


D’abord cette histoire de Haut-Pair, puis celle de ce père « proche du réveil », et enfin cette constatation faite par Sillage comme quoi ces Trululiens ressemblent quand-même beaucoup physiquement à des Humains : tout ça sait être intrigant, d'autant plus que ces mystères nous amènent à questionner les choix graphiques opérés.
Et ça – l’air de rien – j’ai trouvé ça malin.


Et quand bien même cette intrigue n’a-t-elle que peu de profondeur discursive, au moins a-t-elle le mérite d’offrir un cheminement qui a une vraie singularité, dans un monde qui – sur le seul temps d’un album – a aussi le mérite de nous offrir une histoire riche et complète.
Et si quelques effets sont clairement gâchés par le manque de maturité culturelle de l’auteur…


(Je pense notamment à ces maladresses consistant à poser l’élite des Pairs comme naturellement au-dessus de la masse, ou bien celle consistant à présenter la théorie de l’évolution ou la vaccination comme des fumisteries… Alors OK, dans la diégèse de ce monde là ça ne pose pas de problème en soi, mais bon, de tels choix démontrent bien que l’auteur n’avait dans cette histoire aucune ambition (capacité ?) en termes de symbolique, de questionnement ou de propos. « Sillage » c’est juste du premier degré, rien de plus. Et c’est un peu dommage…)


…Mais bon, d’un autre côté, toute cette histoire de Trululuj a malgré tout ce charme qu’on peut parfois retrouver dans l’œuvre de Van Hamme ; celle de ces désillusions amères qui amènent à relativiser ces folles et grandes entreprises humaines qui paraissent en fin de compte bien fragiles, futiles et dénuées de sens.
Et moi, ça, c’est un aspect que j’aime beaucoup retrouver dans une œuvre.
Je trouve que c’est toujours une manière assez habile de refermer une intrigue : savoir la présenter comme une parenthèse futile mais en même temps très riche et digne d’intérêt.


Ainsi, à bien tout prendre, je trouve qu’il a quand même pas mal de mérites cet album.
OK ce n’est pas un chef d’œuvre de maturité et de dessin, mais c’est malgré tout une œuvre qui chemine ; qui creuse son sillon… Ou plutôt devrais-je dire qui trace son « sillage ».
L’air de rien, après trois tomes, Jean-David Morvan et Philippe Buchet sont parvenus à définir au travers de leur saga une promesse qui est loin d’être anodine : celle d’une surprise possible à chaque tome et d’un enrichissement progressif au fur et à mesure de l’allongement de l’aventure de Nävis.
Eh bah moi, ça, c’est clairement ce qui me donne envie d’aller plus loin…
Donc soyez sûr que sous peu, on se reparlera du tome 4… ;-)

lhomme-grenouille
7

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Créée

le 14 janv. 2021

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