Six Feet Under

**** Le prix de lancement pratiqué par Urban Comics (10€ jusqu'à cet été) associé au nom du créateur de Descender devraient être deux arguments suffisants pour tenter l'aventure Royal City ! ****

Ce n'est pas pour rien que j'ai donné au titre de ma critique celui la superbe série HBO, car j'y ai beaucoup pensé pendant la lecture de ce nouveau comics de Jeff Lemire.
Le pitch de départ y ressemble pas mal (croque-morts mis à part) : après la crise cardiaque du patriarche de la famille, le fils prodigue au bord de la rupture professionnelle et sentimentale revient à reculons dans sa ville natale pour être à son chevet et se reconnecter bon gré mal gré avec sa famille dysfonctionnelle -une mère bigote, un frère et une sœur en crise-.
Le détail surnaturel et touchant qui fait toute la différence c'est que chacun des cinq membres des Pike vit et converse avec le fantôme de Tommy, l'enfant mort noyé 22 ans plus tôt. La façon dont c'est montré n'est pas glauque ni morbide pour un sou, au contraire c'est original (limite poétique) car chacun imagine l'incarnation de ce fantôme à différents âges (comme l'illustre la couverture qui représente les 5 interlocuteurs spectraux) !

On rentre facilement chez les Pike, tous losers à leur façon : la mère, grenouille de bénitier autoritaire mais pas irréprochable, la grande sœur aveuglée par son travail depuis sa fausse couche au point de négliger son mariage, le cadet, romancier en panne totale d'inspiration et le benjamin, un adulescent fauché qui cumule les emmerdes. Il ont tous antipathiques et butés, souffrent des problèmes de communication et s'en remettent à Tommy. Il sert de réceptacle à leurs frustrations, joue le rôle du confesseur et (surprise !) se révèle moins neutre et bienveillant avec eux au fur et à mesure que l'histoire passe.
Il y'a de très belles idées dans toutes les scènes avec ce personnage fantomatique (quand Tommy fait "voyager" son père dans le coma à la manière du Noël de Scrooge) contrairement aux autres interactions entre les personnages vivants que j'ai trouvé déjà vues voire un peu téléphonées (les conversations entre couples sont ultra convenues par exemple) Mais ça reste une mise en place, on ne voit pas encore bien là où l'auteur veut nous emmène, ça se clarifiera certainement dans le prochain tome. Même si on ne peu pas dire que le cliffhanger de la dernière page soit particulièrement palpitant.
Quand au dessin, cet argument divisera forcément car il est subjectif, je n'ai pas accroché du tout. Que ce soit le trait dur et sec ou la couleur, je n'ai pas aimé. Les personnages ne se ressemblent pas d'une case à l'autre, impossible de donner un âge à Richie, tous sont fermés, cernés, d'expressions égales. Heureusement que Lemire a une belle histoire à raconter et beaucoup de belles de mise en scène et de cadrages pour faire passer le tout !

J'espère que la suite du récit continuera à me surprendre en approfondissant le rôle de Tommy et que les relations humaines évolueront un peu au delà des poncifs du film mélo de retrouvailles familiales.