«Que seraient les hommes sans les femmes ? Ils seraient rares, extrêmement rares.» S.Clemens

Aiguillé par les ouvrages recommandés dans les pages de The Goon, j'avais lu avec plaisir les premiers tomes de FEAR Agent il y a quelques années sans pouvoir mettre la main sur la suite. C'est complètement par hasard que je retombe dessus des années plus tard pour découvrir une œuvre bien plus aboutie que ce que je pensais.


FEAR Agent, c'est de la Science Fiction comme on en fait plus, avec des jets-pack et des pistolaser qui tirent des rayons en forme de cercles concentriques, des héros misogynes 100% américains alors même que l’Amérique n'existe plus, des robots-aliens avec un cerveau apparent et des hommes des cavernes de l'espace, des combinaisons spatiales oranges fluo avec un casque en forme de bocal à poisson, des fusées dignes de Tintin et bien évidemment un personnage principal bad-ass qui se sort toujours à la dernière minute des situations les plus improbables qui soient avec un cigare au bec... pour aller ensuite se murger la gueule au whisky jusqu'à se retrouver réduit à l'état de lamentable loque à peine plus héroïque qu'une serpillière usagée.


Bref, jusqu'à ce dernier point, on est dans la plus pure SF du style des années 50. Au début de ma lecture j'aurais eu tendance à dire que FEAR Agent est aux comics ce que Mars Attack est au cinéma, et dans un sens ça n'est pas entièrement faux. On retrouve ce même aspect délicieusement kitch bourré de clichés et d'humour absurde, mais au fil des tomes, on se rend compte que le scénariste a tout de même intégré pas mal de ficelles scénaristiques beaucoup plus récentes pour de la SF, à commencer par le héros ... ou plutôt anti-héros, car cet alcoolique chronique adepte des citations de Samuel Clemens qui s'en sort toujours en dépit de toutes les lois de la physique et de la crédibilité s'avère être plus travaillé qu'il n'y parait au premier abord. Hanté par le souvenir de sa femme qu'il n'a jamais su oublier et par son lourd passé qu'on découvrira petit à petit, il loue ses services comme exterminateur d'extra-terrestre à travers la galaxie. Et autant dire que dans la galaxie, les formes de vie extra-"terrestre" bah ça regroupe un bon paquet des êtres vivants qui la peuple. Porté sur la bouteille et l'action dans le but d'oublier son passé, notre "héros" se retrouve involontairement confronté à la source des évènements qui ont fait de lui une loque. Une loque increvable mais une loque malgré tout.


Poussé par un élan d'héroïsme désintéressé et surtout par la possibilité de faire le plein de Whisky gratos avant de se carapater sans remplir son contrat, Heath Huston se lance donc dans une aventure qui va rapidement dégénérer au delà de toute prévision possible. Des confins de la galaxie aux origines de l'univers en passant par l'invasion de la terre et de nombreuses gueules de bois, l'histoire va donc nous narrer le parcours de Heath Huston, le dernier des FEAR Agent. Le scénario à la fois emprunt de série Z des années 50 et d'intrigues plus modernes va tantôt nous faire pisser de rire par l'absurde de la situation, tantôt nous émouvoir par ses ressorts dramatiques dignes de The Walking Dead, il n'est d'ailleurs pas étonnant de retrouver l'excellent Tony Moore au dessin dans les deux cas. Son talent pour les expressions du visage et le gore outrancier colle parfaitement aux deux séries, même si son trait légèrement cartoonesque colle d'avantage à FEAR Agent qu'à The Walking Dead dont il n'assura le dessin que du premier tome.


FEAR Agent c'est donc un comics au dessin moderne mais aux motifs délicieusement kitchs, aux personnages clichés mais aux psychés remarquablement bien écrits, aux situations prévisibles mais aux rebondissements complètements inattendus, et l'un des rares ouvrages qui traite avec brio de voyage temporel, de dimensions parallèles, de clonage et de Samuel Clemens. Le fait que la série fut écrite d'une traite sans prolongation a très certainement contribué à sa réussite. Le scénariste sait où il va dès le début et réussi à nous trimballer de l'aube au crépuscule de la vie d'Heath Huston avec de multiples retours dans le passé et bonds en avant (que se soit par flashback ou littéralement). S'il est facile de perdre le fil de son récit lorsqu'on aborde le clonage et le voyage temporel, le fait d'avoir su s'arrêter précisément là où c'était prévu a sans doute permit de préserver la cohérence du récit... contrairement à cette critique qui commence à s'emmêler les pinceaux.


Je vous laisse donc sur cette citation de Samuel Clemens plutôt que de risquer un spoil ou de continuer à me répéter : «Un mensonge peut faire le tour de la terre le temps que la vérité mette ses chaussures.»


PS : J'ai précisé qu'il y avait des pirates de l'espace et des cowboy armés de pistolaser ?

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le 1 juin 2014

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Vincent Motte

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