En terminant ce quatrième tome nous voilà à la moitié de la série ! Une première partie très bien menée par Tatsuki Fujimoto qui installe sa série parmi mes/les très bonnes surprises de l’année 2017.


Du vengeur au leader


L’’intrusion des partisans d’Agni lors du volume précédent n’était pas qu’un feu de paille. Voilà qu’un nouveau courant religieux voit le jour ! Derrière cette foule qui suit son Dieu, Agni. Sont-ils naïfs ? Á côté de la plaque ou bien désespérés ? On se gardera d’un jugement trop expéditif pour préférer y voir là un écho à un propos de Karl Marx : « La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l’âme d’un monde sans cœur, de même qu’elle est l’esprit d’une époque sans esprit » (Contribution à la critique de La philosophie du droit de Hegel).


Notre vengeur brûlé franchit donc plusieurs marches d'un coup ! Sacré changement pour Agni qui, au départ voulait simplement se venger de Doma. Devenu acteur de cinéma il doit maintenant décider de la suite : permettre à ces gens de le suivre donc tracer la voie même s’il apparaît et parle peu (on se croirait presque dans The Young Pope !) pourvoir à leurs besoins ou bien les laisser en plan ?


Surtout qu’Agni a, entre temps, fait la rencontre de la Reine de Glace. Une rencontre douloureuse et Agni souhaite la faire payer car c’est à cause d’elle que le monde est tel qu’il est, qu’il a perdu sa sœur, se retrouve dans cet état… Ces éléments contribuent en tout cas à le maintenir en vie et à repousser ses envies d’en finir pour de bon.


Des appuis pas si solides ?


Parmi les fidèles se trouvent des élus ! De quoi renforcer la force de frappe d’Agni… à ceci près que jusqu’à présent il a toujours agi seul et ne compte pas sur l'aide d'autres personnes. Aussi leur présence, paradoxalement, n’est pas très bon signe, surtout si des différends devaient survenir. Nous ne sommes donc pas dans la logique de Behemdolg et on pourra du reste contraster à loisir le fonctionnement des deux organisations même si elles reposent toutes les deux sur un mensonge.


Et pour « manager » ses fidèles Agni a besoin d’aide ! Avec son corps qui brûle, son jeune âge, il lui faut une tête pensante. Bien sûr Togata apparaît toute désignée pour cela. Cela la fait sortir de son rôle de réalisatrice mais le film pourrait bien être encore meilleur ! Sauf que Tatsuki Fujimoto aime bien rebattre les cartes en permanence.


Ce faisant l’auteur glisse au passage une réflexion – qui sera peut-être développée dans le ou les prochains tomes – sur la non-correspondance entre le sexe biologique et le sexe social (pour aller très vite). Les questions de genre s’invitent dans Fire Punch de manière imprévue, ce qui n’est pas pour nous déplaire même s’il faudra attendre la suite pour en savoir plus.


Et pendant ce temps-là…


Sinon le volume nous offre aussi une bonne course-poursuite qui ferait honneur à Mad Max II (les temps changent mais on court toujours après du combustible...) avec son lot de morts qui viendra maculer le décor blanc et un humour toujours aussi grinçant (il faut voir le comique de répétition/running gag trouvé par l’auteur avec Togata !) qui revisite les codes du genre avec un plaisir non dissimulé. Clairement l’auteur prend plaisir dans ce qu’il fait et cela se ressent à la lecture.


Ailleurs, l’entretien entre deux personnages permettra d’en apprendre un peu plus sur certains projets à mener ainsi que sur le passé de ce monde et ce qui nous attend après la mort. Faut-il croire pour autant que ce qui nous est raconté est vrai ? Le mensonge succède un peu trop souvent à des propos qui semblent vrais ; car l’essentiel dans Fire Punch ne tient pas à la vérité mais à la volonté qu’ont les personnages de s’accrocher à ce en quoi ils croient. Cela n’en fait nullement des êtres admirables mais des survivants inégaux face à un univers qui ne pardonne rien.


Côté graphisme, Tatsuki Fujimoto reste constant dans sa production. On pourra noter quelques profils pas forcément harmonieux, des passages un peu plus « bruts » que d’autres mais c’est largement compensé par des planches qui s’enchaînent toujours harmonieusement et gèrent très bien la temporalité entre les cases pour accélérer le tempo, nous faire comprendre que du temps à passer… Les propos des personnages (dont Togata) et les situations absurdes font toujours mouche avec Sylvain Chollet à la traduction et ce tome permet en plus de réviser son anglais !


« Pauvre gars, il me ferait presque pitié… »


En somme ce nouveau volume nous montre un héros toujours vulnérable par rapport à son environnement. Et comme l’auteur ne veut rien lui faciliter il est sûr qu’Agni va connaître d’autres épreuves avant, peut-être, de pouvoir reposer en paix. De quoi être très satisfait de ce tome en particulier et de la série en général en attendant la suite !


Version illustrée et un peu plus longue à retrouver par ici.

Anvil
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le 20 déc. 2017

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Anvil

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