Blast est une série de bandes-dessinées en quatre tome dont le premier est sorti en 2009.


C’est clairement une œuvre en réaction à ce que Larcenet avait produit précédemment dans sa carrière (le retour à la terre, le combat ordinaire), que ça soit graphiquement car l'auteur tente ici de très belles choses parfois à la limite de l'abstrait, de l'expérimental, mais également d'un point de vue idéologique car blast est profondément nihiliste.


Mais qu'on se rassure, le geste ne se limite à la seule beauté de son exécution, non, c’est un geste qui a du sens.
Pour la bonne et simple raison que Blast est une œuvre sincère, comme si Larcenet arrivait à capturer ce qu'il y a de plus désespéré, de plus pur, de plus fragile dans l’âme humaine et nous le retranscrivait sans retenue, sans pudeur et avec énormément de spontanéité.


L’histoire prend place dans un commissariat. On y découvre un homme gros, très gros, comme si il portait matériellement tout le poids de sa vie.
Le héros s’appelle Polza Mancini, prénom qui signifie "Pomni Leninskie Zavety": souviens-toi des préceptes de Lenine (il semblerait que le héros soit destiné à porter le point de l’Histoire de ses origines en plus de sa propre histoire).
Cet homme est accusé d'avoir violenté une femme. Il va commencer à parler et à expliquer à la fois aux policiers et aux spectateurs pourquoi il en est venu à faire ça, quels sont les éléments de sa vie qui l'ont conduit jusqu'ici, dans ce commissariat.


Le héros nous explique très vite avoir eu prise de conscience existentielle (le fameux Blast, instant d’omniscience) qui l’amènera à se détacher tout ce qui dans la société l'enferme dans un cadre, ce cadre étant devenu insupportable. Il devient ainsi SDF, ou plutôt "clochard" comme il dit, car c’est une situation qu’il choisit et non qu’il subit.
Ainsi en s’affranchissant de son travail, de sa femme et de son compte en banque, il prône un véritable retour à la nature, à la liberté, qui peut faire penser de loin au film Into the wild de Sean Penn, sorti un an plus tôt ( la fin des années 2000 ayant subit de grands bouleversements technologiques comme les smartphones et les réseaux sociaux, il est normal que certaines œuvres s’inscrivent en opposition à tout ça) .
A la différence près qu’ici, point de tentative d’ouverture sur les autres, mais au contraire, repli introspectif sur soi-même.
Il est temps d’agir comme bon lui semble sans se soucier des conséquences, qu’importe si son comportement est perçu comme déplacé, voire odieux.
Ainsi, il n’ira pas chercher les cendres de son défunt père au crematorium par  « manque de courage ».
Également, il confiera: "je me suis marié avec la première femme a avoir accepté de coucher avec moi".


Comme dit auparavant, Larcenet expérimente beaucoup de nouvelles choses avec cet album.
D’abord il faut noter qu'on est sur des tons très sombres, magnifiés par une superbe coloration à l’aquarelle, qui ne sortent jamais du noir et blanc.
Certaines images sont à la limites de l’abstraction. Parfois la foret ne ressemble plus à rien, à part à un amas de traits noires confus.
Le ton très sérieux de l’œuvre contraste violemment avec le ton habituellement léger et presque enfantin de Larcenet, qu’on devine toujours derrière cet océan de noirceur.
Ce contraste est totalement exacerbé pendant les moments de Blast, où Larcenet va mélanger ses propres dessins avec ceux, en couleurs, de ses enfants (on suppose). L’imbrication des deux se fait à merveille et créer une émotion très puissante, comme si la candeur de l’enfance rencontrait le désespoir de la maturité.


Une grande réussite.

FelixMarret
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le 26 janv. 2021

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Felix Marret

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