Grand succès de librairie, Il faut flinguer Ramirez fait partie des nouvelles séries les plus populaires de ces deux dernières années. Traversé de références cinématographiques, arrimé à un réparateur d’aspirateurs muet et désireux d’une vie bien rangée, ce deuxième tome, haletant, fait la part belle aux poursuites, fusillades et associations dépareillées, mais aussi aux tirades fusantes et parfaitement troussées.


Il y a un peu d’Alfred Hitchcock dans Il faut flinguer Ramirez. Comment, en effet, ne pas songer à Roger Thornhill enlevé et pris à tort pour George Kaplan dans La Mort aux trousses quand un modeste réparateur d’aspirateurs doit prendre la tangente avec deux starlettes du show-biz parce qu’on le suspecte, entre autres, d’être impliqué dans un attentat qui fait la une de tous les journaux ? Il faut cependant y apporter une précision de taille : si cette série doit être associée au septième art, on penchera plus volontiers pour le cinéma pop, référencé et bavard de Quentin Tarantino ou la sacralisation des losers à l’œuvre chez les frères Coen. Les paysages désertiques du sud des États-Unis ou les bolides aperçus en cours de lecture laissent aussi, parfois, le sentiment de revisiter, dans une veine éthérée mais spectaculaire, le Las Vegas Parano de Terry Gilliam.


Si le scénariste et dessinateur Nicolas Petrimaux multiplie les clins d’œil, il ne se laisse jamais écraser par le poids de quelques modèles putatifs. Il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler que le fondement de son récit recèle une certaine audace : le personnage central de la série n’est autre qu’un employé modèle d’un service d’après-vente de fabricant d’aspirateurs, quelconque et muet, rattrapé malgré lui par des liens filiaux qui le gênent bien plus qu’ils ne le servent. Ce second tome place ainsi Jacques Ramirez face à une double menace. La police de Falcon City le recherche activement après un attentat visant la Robotop et, dans le même temps, des cartels se méprenant sur son identité aspirent à l’éliminer. Tout cela se déroule la veille d’un week-end très important pour Jacques – qui voit évidemment ses plans tomber en désuétude à mesure que les rencontres malheureuses s’amoncellent.


Des dessins ou des dialogues, on aurait bien du mal à déterminer ce qui flatte le plus le lecteur. Les premiers, pétillants et somptueux, sont d’une précision d’orfèvre. Les seconds, parfois abondants, laissent perler un humour qui fait souvent mouche. Les publicités « méta », hilarantes, constituent par ailleurs autant de douceurs accentuant le plaisir de lecture. Quant aux représentations ayant cours, les mots de Nicolas Petrimaux se suffisent certainement à eux-mêmes. Sur la mafia : « Dans ma famille, on foire jamais. On flingue du connard en toute discrétion depuis plus d’un siècle. » Sur Jacques Ramirez : « Notre employé modèle pointe du lundi au vendredi de 8h à 17h30. Le week-end, il remporte des tournois d’échecs… des compètes de pipes en bois, des rallyes auto et j’en passe ! » Sur la police : « Forcément, si vous vous pointez deux heures après qu’on vous a contactés, vous devez pas en arrêter beaucoup, des voyous. » Sur la presse people : « C’est pas parce qu’il y a trois photos qui m’remuent le haricot qu’on doit cautionner ces ramassis d’conneries. » Sur la société de consommation : « Les gens précommandent les produits sans savoir réellement c’que c’est… Partant de là… tout est possible ! »


La structure sophistiquée des planches, avec notamment des bulles qui traversent plusieurs bandes, est également à souligner. Pour le reste, on mentionnera l’ironie de retrouver un mafieux en robe avec du vernis sur les ongles de pieds, un groupe de rock corporatiste baptisé les Aspirockers, une parodie de magazine people ou des commentaires courroucés sur les cliffhangers mis au point par les scénaristes de séries télévisées (et employés, quelques pages plus tard, par Nicolas Petrimaux lui-même). S’il est difficile de synthétiser le contenu d’une bande dessinée aussi riche, on peut en revanche insister sur son caractère purement jouissif. Et se remémorer cette pensée de Jacques, qui augure la suite des événements : « T’as toujours voulu aller contre les choses qui t’étaient destinées. » Reste maintenant à savoir s’il va échapper à ce destin qui s’accroche à lui, ou s’y plier.


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Cultural_Mind
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le 15 déc. 2020

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