Comment approcher cette chose à travers une critique ? Voilà la question qui m’a taraudé la cervelle depuis des jours… Puis j’ai fini par me dire : pose la question sur le papier, ça te fera un début d’article et ensuite tu pourras enchaîner naturellement sur le reste. Et comment Jack Kirby faisait lui, pour coucher une de ses nombreuses idées avant de partir à l’aventure dans le 4ème Monde ? Je ne sais pas vraiment si on peut dire que cette Jack Kirby Anthologie répond à cette question, mais en tout cas, elle donne plein d’autres réponses ! Et voilà comment je me dépatouille de cette intro foireuse avec une pirouette… Belle ou pas, c’est vous qui jugez !



Jack Kirby est un sacré personnage. On ne l’appelle pas le « King of comics » pour rien. Et Urban va essayer de nous prouver à travers ces quelques 336 pages que ce titre n’est pas usurpé ! Difficile d’embrancher sur la suite sans vous parlez du bonhomme un minimum, bien qu’il y ait de grandes chances que vous le connaissiez déjà tellement son oeuvre est inévitable. Il a rejoint l’industrie des strips et de la bande dessiné assez tôt, mais il se fera vraiment remarquer avec son compère Joe Simon pendant son passage chez Timely Comics (ancêtre de Marvel) dans les années 40, où il créera une flopée de personnages dont entre autres, le très peu connu aujourd’hui Captain America… Ha oui pardon, on m’invite à ne pas faire d’humour vaseux sur la concurrence. Mais le monsieur ne s’arrêtera pas là. En plus d’apporter de brillantes idées de personnages ou de concepts scénaristiques, Kirby s’illustre aussi sur les dessins ! La patte « Kirby » se fait sentir partout où il passe et son nom brillera autant chez Marvel que chez DC, deux univers où son influence se fait encore très lourde et pesante aujourd’hui.

Cette anthologie, éditée par Urban Comics, retrace les moments et personnages forts de la carrière de Jack Kirby ainsi que les concepts qu’il a apporté au fil des ans et qui viendront directement enrichir l’univers (voir le multiverse) de DC Comics. Pour en parler de manière un peu brute, cette anthologie se découpe chronologiquement en quatre périodes bien distinctes intitulées :

- Simon & Kirby

- Aventures en tout genre

- Le quatrième monde

- Monstres et Soldats



Avant de vous détailler légèrement chacune de ces parties, je reviens un peu sur le contenu éditorial que nous livre Urban dans cette anthologie. A la manière du livre DC Comics Anthologie pour ceux qui l’ont lu, chaque numéro de comic book réimprimé pour l’occasion est introduit par un court résumé qui explique rapidement le pourquoi de la création de l’oeuvre ou de la série. Puis, à chaque début des nouvelles parties énumérées plus haut, Urban nous offre une page de texte entière sur l’évolution de Kirby en rapport avec la période concernée, n’oubliant pas, bien sûr, de citer quelques uns de ses passages chez la concurrence. Il ne s’agit pas cependant d’une biographie détaillée au jour près, bien loin de là, mais ce n’est pas le but premier du livre, qui reste lui, de nous faire découvrir les créations que Kirby a apporté pour DC Comics. Toujours est-il que ces informations collent parfaitement avec leur sujet et sont très instructives. Un vrai boulot d’édition de la part d’Urban qui ne lésine pas sur les détails concernant chaque histoire publiée dans cette anthologie. Nous avons droit en prime à un encadré du monsieur qui accompagne Kirby sur chacune des oeuvres présentées dans le bouquin. Un vrai plaisir qui nous laisse la vague impression de revivre les époques qu’a vécu le Roi des comics lui-même !

Pour la première partie, je retiendrais surtout l’histoire sur Sandman. Un personnage qui a connu de multiples incarnations. Urban nous présente vite fait tout ça et l’influence qu’a eu la création de Jack Kirby et Joe Simon sur ses incarnations à venir. Et notamment celle de Neil Gaiman, histoire de faire le lien avec une publication récente que vous n’avez certainement pas du rater ! Les histoires de la première partie sonnent encore très « vieilles ». Kirby débutait encore et en dehors de quelques concepts sympathiques qui émergent (le méchant dans l’épisode de Sandman n’est personne d’autre que Thor lui même, personnage qu’il réutilisera et mettra à nu chez Marvel), elles ne sont pas forcément brillantes. Mais cela ne gâche pas notre intérêt et le plaisir de découvrir le chemin parcouru.



La seconde partie est plus hétéroclite et j’évoquerais surtout les Challengers de l’Inconnu (qui ont connu un début d’histoire dans les new 52) qui proposait vraiment des aventures incroyables pour l’époque, axées soit vers la magie ou la science fiction. C’est un peu le Silver Age avant l’heure. L’histoire présentée ici parle de voyage dans le temps, forcément j’ai été séduit ! Dans cette partie aussi nous avons droits aux origines de Green Arrow. Un peu déçu. L’histoire est un peu simpliste et vraiment trop légère par rapport au mythe établi aujourd’hui. Mais une fois encore, il ne faut pas nier toute l’inspiration que cette histoire donnera à ses successeurs comme Mike Grell ou Andy Diggle.

La troisième partie, la plus passionnante selon moi, revient sur l’époque du 4ème Monde et des New Gods. Kirby a pris en charge 4 séries (dont trois nouvelles) à l’époque et elles étaient interconnectées: New Gods, Mister Miracle, Forever People et Jimmy Olsen. Nous avons droit à un épisode de chacune de ces séries extraordinaires et inspirées. C’est ici que l’héritage de Kirby se fait le plus sentir. L’auteur est en roue libre et ça fait du bien. Personnages charismatiques et héroïques comme Orion ou Mister Miracle. Vilain surpuissant et effrayant comme l’inévitable Darkseid. Et la femme libre qui n’a rien à craindre de l’homme et qui concurrence Wonder Woman sur son propre terrain: Big Barda. La série Jimmy Olsen confiée à Kirby lors du lancement du 4ème monde lui permit d’intégrer rapidement Superman à cette mythologie, pour le plus grand plaisir des lecteurs. Aucun de ces personnages n’est oublié et leurs influences marquent encore aujourd’hui, à l’heure des New 52, la continuité de l’univers DC.



Et la quatrième partie nous offre des récits et des personnages toujours très marquants avec des concepts excellents comme celui de Kamandi, qui à la base, ne devait être qu’une série utilisant la licence de la Planète des Singes. Faute de droit, Kirby s’est quand même vu confié la série et en a fait une oeuvre brillante. Ce personnage qui vit dans un futur apocalyptique où l’Homme n’est plus l’espèce dominante est tout simplement géniale. L’épisode présent dans l’anthologie est d’ailleurs très bon et très touchant aussi. On notera aussi une histoire sur O.M.A.C., concept encore cher à DC aujourd’hui. Le personnage, qui n’était au final qu’un simple humain transformé en machine par Brother Eye, avait encore de bonnes intentions à l’époque. Bien avant que DC décide de faire de Batman son créateur. L’épisode d’O.M.A.C. dans l’anthologie est aussi très très bon et colle bien avec la nouvelle série publiée dans les New 52 (qui s’est énormément rapprochée du concept d’origine en fait). Je vous en parlerais peut-être un jour plus en détail sur ce site, si vous êtes sages !

Petit mot général sur les dessins. Kirby signe les dessins de la plupart de ses créations. D’ailleurs au début, il ne dessine plus qu’il n’écrit. Et, en dehors de quelques tirages dont la colorisation n’a jamais été refaite, j’ai été carrément ébahi par la qualité des dessins et par l’agencement très dynamique des cases des oeuvres ici présentes. Kirby avait l’art de rompre avec la monotonie des bandes-dessinés de l’époque. Le résultat est bluffant et semble traverser les âges comme si de rien n’était. En plus, il n’y a pas à dire, son style cartoon est indémodable (ou presque). A noter qu’il a aussi souvent était accompagné pour l’encrage. Et à ce niveau, il forme un duo inimitable avec Mike Goyer avec qui il a énormément travailler sur la seconde moitié de sa carrière. Jack Kirby était un as dans tout les domaines.

Voilà pour ce tour d’Horizon. Je ne peux hélas tout évoquer. J’ai déjà beaucoup trop parlé ! Mais vous aurez compris l’essentiel. Jack Kirby, c’est un grand auteur et dessinateur qui a laissé un héritage immense dans le monde des comics. Et cet héritage est très bien honoré dans ce recueil. Il ne sera certes pas exhaustif sur toutes les oeuvres de Kirby, tout ce qu’il a apporté à Marvel étant tout aussi, si ce n’est plus, imposant que son oeuvre sur l’univers DC. Mais cela reste le meilleur moyen pour vous de découvrir, via les oeuvres de cet homme, pas mal d’éléments qui forment aujourd’hui le coeur de votre univers fétiche (sauf si vous êtes arrivé là par hasard, auquel cas, je vous demanderais de bien vouloir éteindre la lumière en sortant, merci !).
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le 19 mars 2013

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