Joe le barbare, non d'une pipe.

Il n'y a bien qu'ici que je peux crier mon désarrois face à un changement de titre aussi anodin que meurtrier. Renommer Joe the barbarian en Joe l'aventure intérieur soulève de nombreuses questions de marketing et de volontés éditoriales. Totalement inutile pour tous ceux qui découvrent la BD via sa publication en France, mon ergotage me semble toutefois nécessaire. Outre le délire d'un homme trop attaché à son ouvrage en VO, reconnaissez que passer d'un titre promettant Cimmerie, biceps hypertrophiés, heroic fantasy débridée et paradoxes à un titre qui nous promet une psychanalyse est perturbant. Et quid de la confusion des univers? Du trouble dans la perception du réel? Un titre comme Joe the Barbarian n'apporte aucune réponse tandis que l'aventure intérieur place directement tout le fil narratif sous la coupe du délire halluciné ( alors même que les auteurs cultivent l'inversion des réalités et distillent de faux indices).
Et au final, voyez la différence de public qui sera touché par les changements de titre. Voyez ceux qui seront plus hésitant à l'acheter sans ce souffle épique qui vivifie la couverture et la rend plus curieuse.


Sinon, le titre est plutôt bon. Sean Murphy propose un très bon travail graphique sans vraie fausse note, usant toutefois d'un peu trop de trames ( mais je devrai surement en blâmer son coloriste).
On pourrait aussi arguer que la pâte graphique de Murphy repose un peu trop sur une coloration qui lui apporte de la texture (matières murales et autres volutes). Ça serait renier un véritable travail de découpage, d'ombrage et un langage graphique suffisamment approprié.

La façon qu'a Grant Morrison de créer artificiellement et au compte goutte ce qu'il veut nous faire passer pour un univers d'heroic fantasy solide et construit s'avère parfois un peu poussif et superficiel. J'en veux pour preuve sa manie de donner un nom spécial connoté Heroic Fantasy à tout nouvel évènement, personnage ou lieu découvert au fur et à mesure de la progression des héros, que ceux-ci utilisent sans surprise mais qui nous malmène, faute de prémices ou de mentions préalables.

J'imagine l'impression que doit donner cette critique. Mais la subjectivité de la note répond principalement à l'intensité de l’émotion que j'ai ressenti à la lecture du titre, qui justifie totalement son achat malgré les quelques points que j'ai mis en lumière (faciles à dédramatiser, que l'on s'engouffre dans le récit ou que j'on prenne le temps de s'en délecter)

A noter que Joe l'aventure intérieur reste un récit très adolescent qui ne satisfera surement pas les adultes exclusivement amateurs d'intellectualismes graphiques.