Évasion en jupons

Voilà bien l'album le plus fantasque de tout ce premier cycle ! En guise d'introduction, une balade féerique sur l'eau juste avant l'aube. Taupe et Rat partis à a recherche du petit dernier de Loutre vont basculer, pour quelques instants - une éternité, pourtant - dans un monde fantasmagorique et merveilleux ; je n'en dis pas plus, ce premier chapitre est un pur moment de poésie.

Aussi la suite, plus du tout dans le même ton, peut-elle surprendre. Mais non décevoir ! Plus de Taupe ni de Rat dans ces épisodes centrés uniquement sur le personnage de Crapaud, qui se languit en prison. Et qui dit Crapaud dit forcément folie douce - ou féroce, c'est au choix. C'est donc parti pour un plan d'évasion qui vire au délire. Et si la saveur de la chose tient évidemment à la personnalité déjantée et égocentrique de Crapaud, elle doit aussi beaucoup au déguisement qu'il arbore presque tout au long de l'histoire. Car c'est vêtu de jupes et coiffé d'un bonnet en dentelle orné d'une grande et superbe plume rose qu'il prend la fuite, joue les pauvres femmes esseulées pour provoquer la compassion, et accumule les péripéties pour finalement révéler (encore une fois) sa véritable nature de fou furieux. Rien n'arrête Crapaud !

Les textes sont d’ailleurs particulièrement drôles, venant jouer la complémentarité avec le dessin d'une façon très maîtrisée, comme toujours dans cette série : jamais on ne trouvera dans Le vent des saules de redondance texte/dessin, ce qui n'est pas forcément si courant en BD. Je soupçonne aussi Michel Plessix de s'être écarté du texte original de Kenneth Graham pour se laisser aller à sa propre fantaisie (sans pouvoir le certifier, n'ayant pas lu le roman). Tout l'album est émaillé de petites phrases ironiques et clins d’œil qui me le laissent, à tort ou à raison, penser. Mais d'une façon ou d'une autre, cette fantaisie-là ravit le lecteur.