"Tintin ou comment se mettre dans la merde en marchant dans la rue" aurait pu être le titre de cet album tant les circonstances qui l'amènent à s'embarquer dans cette aventure sont anecdotiques : si dans l'album précédent c'était Milou qui avait eu la mauvaise idée de fourrer sa truffe dans des poubelles, cette fois-ci c'est Tintin qui a eu la mauvaise idée de... lever la tête ! En effet, lors d'une promenade par une nuit étoilée, Tintin s'aperçoit qu'une nouvelle étoile vient compléter la Grande Ourse et que celle-ci grossit à vu d’œil... Ni une ni deux notre reporter à la fâcheuse tendance de s'occuper de ce qu'il ne lui regarde pas fonce à l'observatoire du coin déclenchant ainsi des événements qui le dépasseront. Car dans cet album il n'est pas question de trafic de drogue, de coupeur de tête ou de reliques mais bien de la fin du monde, rien que ça !

Vision apocalyptique d'un monde en proie aux affres de la guerre (cet album a vu le jour sous l'occupation), rêveries hallucinatoires ou encore détournement de la censure, cet album délaisse complétement l'aspect réaliste du précédent pour emmener son lecteur au pays de l’aérolithe magique. Et pourtant... Pourtant certains aspects de la BD sont tellement chiffrés que l'on croirait assister à un cours magistral de physique (cf les calculs des astronomes, les réactions chimiques autour de l'aérolithe, les calculs sur la course des paquebots, ...) comme si Hergé avait voulu être rationnel par moment avant de sombrer dans la folie devant des peurs irascibles (Tintin et l'araignée) et autres inconnus...
L'étoile mystérieuse c'est ça. C'est une dénonciation de la folie de la guerre via une course effrénée à qui plantera son drapeau le premier sur une terre inconnue sans savoir si cette terre abrite le salut de l'humanité ou sa fin et sans savoir qu'elle est amenée à couler ; c'est tantôt d'une rectitude à faire pâlir un scientifique, tantôt un cauchemar à faire froid dans le dos. Comme si tout les calculs, toutes les certitudes s'effondraient devant l'aberration qu'est la guerre. Le directeur de l'observatoire n'aura d'ailleurs que faire des calculs de son collègue quand Tintin lui demandera s'il était réellement possible de donner l'heure exacte de la fin du monde et lui enverra au visage toutes les feuilles de calculs comme autant vérités absurdes à la face d'un monde incrédule. Toutefois, il n'oubliera pas de marquer son exclusivité sur cette découverte comme le ferait un scientifique après avoir découvert une nouvelle maladie mortelle... C'est la dénonciation de l’irrationalité qui est à la base de notre humanité, sa sauvagerie, sa soif de pouvoir insensée et face à laquelle son évolution scientifique se confronte éternellement : c'est l'homme face à la bête.

Alors pourquoi 7 ? Eh bien parce qu'à surfer entre réalités et fantasmes, moments de joie et moments de peines, dénonciation incisive et diatribe masquée, on se perd. J'aime qu'on prenne position et qu'on affirme haut et fort ses convictions, pas comme le fait Hergé dans cet album. Bien sûr je n'ai pas vécu l'occupation mais s'il avait était plus concret dans sa critique de la guerre, cela lui aurait peut-être évité d'être confondu avec un collabo... Et tout cela sans parler des prises de position politique nauséeuses du journal dans lequel il était publié. Et puis la fin, bâclée à mon sens. Un album qui se prend trop au sérieux, un manque d'exotisme criant et voilà une aventure de Tintin qui n'en est plus vraiment une.

Mais le secret de la licorne m'attend !
BoldBoy
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le 23 déc. 2013

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BoldBoy

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