Yoko Tsuno n’avait pas de raison particulière d’être japonaise : Roger Leloup voulait faire une héroïne qui ne soit pas européenne de souche, et il explique avoir choisi le Japon pour son image de pays politiquement neutre. Voilà pourquoi les huit premières aventures de Yoko Tsuno ne contiennent pas de référence explicite au Japon, et n’exploitent pas les racines du personnage (sauf quelques références à son père).

Avec le succès des premiers albums, les lecteurs du Journal de Spirou ont abondamment écrit à Roger Leloup, et ils réclamaient des aventures typiquement japonaises pour Yoko Tsuno. Souhait exaucé avec La Fille du Vent : voilà notre électronicienne pour la première fois confrontée à son pays natal. Roger Leloup donne ainsi une impulsion nouvelle à la série en même temps qu’il enrichit le personnage de Yoko : bien vu !

La Fille du Vent offre une intrigue originale : une guerre ouverte entre deux savants presque fous, deux apprentis-sorciers qui se défient à coup de typhons en Mer de Chine. Une lutte pour l’honneur, à la japonaise, sans égard ou presque pour les populations mises en danger par leurs bombes à cyclones. Pour un album publié à la fin des années 1970, le propos très écologique (et assez engagé) est plutôt original. Ce neuvième album est également le premier tome ouvertement féministe, au détour d’une réplique de Yoko (page 39, pour les incrédules).

Le scénario n’est néanmoins pas parfait : si Kazuky a tout le charme d’un méchant de James Bond des années 1970 (la belle période Roger Moore), il en a également hérité un côté kitsch et fadasse qui a mal vieilli. Aoki est de son côté un personnage séduisant et attachant, brillamment rehaussé par un excellent flash-back sur sa mésaventure durant la guerre, et la rencontre avec le père de Yoko : malgré ces atouts, son destin était trop prévisible, et Roger Leloup ne parvient pas à élever ce personnage au rang des autres excellents seconds rôles de la saga. Signalons enfin l’épisode autour de la bouée, bigrement confus et mal bâti.

Côté dessins, Roger Leloup s’offre une mise en page qui respire : avec des strips aérés, propices aux panoramas larges ou aux scènes verticales, le dessin est un passeport pour l’évasion à quelques encablures des côtes japonaises. De nombreux dessins en demi-page, très réussis, viennent ponctuer le récit, notamment lorsque les deux avions approchent de l’œil du cyclone ; mention spéciale aux scènes sous-marines, la découverte de l’épave du Yamato est particulièrement magnifique.
La seule fausse note reste dans l'emploi des couleurs, Roger Leloup ayant visiblement voulu suggérer l'extrême-orient en n'employant que des teintes jaunes : le résultat est un ciel invariablement blanc cassé sur toutes les scènes aériennes, ce qui donne malheureusement un côté bâclé aux arrière-plans.

Si ce neuvième album offre une première plongée au Japon, il reste un peu stéréotypé dans sa présentation du pays : Roger Leloup continuera d’exploiter le filon pour les aventures suivantes, mais il se documentera davantage sur le sujet.
Il évitera ainsi les grossières approximations qui plombent parfois l’intrigue de La Fille du Vent.
Wakapou
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le 17 juil. 2013

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