Une BD un peu intello qui se donne trop à voir

Il y a plein de choses intéressantes dans La Grande Odalisque: le dessin lui-même, volontairement un peu flou, avec seulement quelques lignes jetées de-ci de-la, et sur lesquelles projeter des fantasmes; un certain art de l'ellipse et de l’épure dans la mise en scène et la narration (sans aucune onomatopée, d'ailleurs); des dialogues et des héroïnes résolument modernes (voire un peu trop); de belles scènes d'action pour les amateurs du genre etc.

Malheureusement, tout cela ne forme jamais vraiment un tout avec suffisamment de liant - et faute de lien assez étroit entre ses pièces, ce patchwork se laisse un peu trop facilement percer à jour.
Ainsi, les comportements et la vie des héroïnes - qui semblent devoir renvoyer à la vacuité supposée de l'existence moderne - représentent certes un changement agréable face aux figures habituelles et téléphonées des thrillers et autres aventures d'espionnage. Mais en même temps, ces même portraits offrent un contraste trop fort avec la trame principale, démesurément légère et hollywoodienne, pour que tout cela puisse coexister ensemble dans un tout cohérent.
On en vient même à se demander s'il ne s'agirait pas d'un mouvement délibéré de la part des auteurs, afin de bien faire sentir à leurs lecteurs que, oui, ils ont pris de la distance avec les canons du genre, et qu'ils se moquent de leurs propres références, en en exagérant encore davantage les dysfonctionnements internes.
Or, ce genre d'ironie, cette forme d'auto-distanciation soulignée et appuyée a vite fait d'être un peu agaçante; comme lorsqu'on se retrouve en face de personnes qui s'écoutent un peu trop parler... ou d'un mauvais Tarantino.

Si les Largo Winch et autres XIII ont pour eux de vouloir être parfois tellement sérieux et sans second degré qu'ils tombent en plein dans le ridicule, la BD de Vivès et Ruppert & Mulot est donc au contraire parfois tellement dans la distanciation constante qu'elle a vite fait de paraître un peu trop pédante et intello'.
Elle invite cependant à rêver d'une prochaine collaboration où - assurance grandissante et maturité aidant - les trois compères sauraient se montrer un peu plus humbles, s'effaçant derrière leur travail au lieu de chercher à tout prix à en souligner l'intelligence.

Mention spéciale cependant à à la couverture, riche de sens, d'interprétation et de références (à la fois internes à l'oeuvre mais aussi externes à celle-ci).


Pour finir, quelques critiques et autres commentaires intéressants trouvés sur la toile:
- http://www.actuabd.com/La-Grande-Odalisque-Par-Vives#forum40052
- http://loeilprivebd.blogspot.fr/2012/11/notes-de-lecture-la-grande-odalisque-de.html
Alex_Dlmr
6
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le 3 oct. 2012

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Alex Dlmr

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