Plutôt client des reprises d'EP Jacobs, dont celles écrites par un Yves Sente pourtant parfois décrié, ce premier opus de La Vallée des Immortels est plutôt une déception. Reprenant le fil chronologique du Secret de l'Espadon, Yves Sente met en scène un nouvel antagoniste qui semble quand même un sacré fantoche à côté de Basam-Damdu. Mêlant aventure historique aux accents archéologiques, récit de guerre et espionnage, tout ceci paraît bigrement embrouillé. La mise en place manque cruellement de limpidité et de finesse, et la volonté de mettre tous nos personnages dans un même lieu exotique est franchement tirée par les cheveux. Certes, le prétexte est, par moments vraiment intriguant, surtout dans la premier partie de cet opus, mais le mystère cède rapidement place à un récit didactique un peu trop guindé, laissant peu d'espace à l'inattendu.
Le reproche principal qu'on peut faire à cet album est sa volonté extrême de faire du Blake et Mortimer avec ses sempiternels personnages et ses rebondissements habituels. Olrik est évidemment de la partie jouant les Fantômas hunebelliens avec ses masques qui lui permettent de rouler dans la farine ses éternels ennemis. Sa fourberie ne trompe, bien entendu, jamais le lecteur qui ne peut s'empêcher de penser que, même si les références historiques chinoises sont franchement intéressantes, les péripéties de l'album sont à côté bien pauvres et convenues. La première partie de cette aventure s'achève d'ailleurs par une révélation qui n'en est pas une et par un ensemble de questions plutôt vieillottes dans leur formulation. " Blake et Mortimer sauveront-ils le monde ?", roulement de tambour.... "Vous le saurez en lisant la suite de cette aventure dans le volume deux". Certes, l'hommage au travail de Jacobs est là mais on ne peut vouloir à la fois être fidèle à son modèle et affirmer en même temps vouloir le moderniser en reprenant d'aussi sottes formulations sentencieuses aujourd'hui dépassées.
La lecture de l'ensemble reste cependant plutôt plaisante, à défaut d'être passionnante. Les ficelles ont beau être grosses, on joue, par moment, les complices, avec malice. Par ailleurs, l'atmosphère asiatique est fort bien rendue avec des dessins d'une formidable précision et des couleurs jaunâtres qui confèrent à l'ensemble un parfum très particulier tout à fait dépaysant. On espère que le deuxième tome sera moins prisonnier de ses références et que l'aventure sera moins démonstrative. Dans de nombreux autres albums, Yves Sente a montré de véritables qualités de narrateur. Si le cadre qu'il décrit ici est intéressant, il est dévoré par la complexité des ramifications des différentes histoires auxquelles il se rattache. On l'a vu, dans d'autres seconds tomes, réussir à se sortir de ces différents pièges pour mettre à jour un album plus enlevé. L'attente est ici incontournable.